Sibelius: Symphony No. 4 - The Wood Nymph - Valse Triste

Chronique

C’est avec une gourmandise délectable qu’on attend, disque après disque, la suite de l’intégrale en cours des Symphonies de Jean Sibelius par Santtu-Matias Rouvali à la tête de l’excellent Orchestre Symphonique de Göteborg (Orchestre symphonique de Göteborg) don’t il est titulaire depuis 2017. La plus folle, la plus noire, la plus originale du corpus, la Symphonie N° 4, en la mineur est désormais disponible. Rouvali en donne une lecture terrifiante, aussi noire qu’une coulée de lave incandescente, aussi blanche qu’une avalanche dévastatrice, aussi violente qu’une explosion atomique. Car c’est bien de solitude qu’il s’agit ici, après les éruptions du premier mouvement qui laissent un paysage désertique d’où toute vie est absente. Même si l’allegro molto vivace qui suit tente de prendre des airs aimables, la menace et le suspense sont toujours là. Le tempo largo nous emmène ensuite dans le monde mystérieux de la nuit avec ses bruissements et ses frôlements d’oiseaux avant un allegro final qui sonne comme un retour à la vie d’une joie débridée avec ses carillons lointains et rassurants.

Cette Symphonie N° 4 est sans aucun doute l’un des plus grands chefs-d’œuvre de l’histoire de la musique. Santtu-Matias Rouvali est certainement, aujourd’hui, un des meilleurs guides pour nous emmener dans ces contrées étranges et menaçantes. Il construit toute la symphonie en un tout cohérent et organique, tous les éléments s’enchaînant parfaitement dans une dynamique exceptionnelle.

La Nymphe des bois, op. 15 est le plus long et l’un des plus grandioses poèmes symphoniques de Sibelius. Il dépasse même en durée la Symphonie N° 7. Resté longtemps inédit pour d’obscures raisons, il n’a été publié qu’à la fin du siècle dernier et son tout premier enregistrement, réalisé par Osmo Vänskä en 1996 avec son Orchestre Symphonique de Lahti, fut un grand évènement pour les sibéliens du monde entier. Santtu-Matias Rouvali en donne une vision d’une force épique incroyable, poussant le volume de son orchestre dans ses derniers retranchements, en donnant toute sa puissance brucknérienne à l’une des premières grandes œuvres du compositeur finlandais. L’attente de la mort par Björn, le malheureux héros de ce poème symphonique, est concrétisée ici par la célèbre Valse Triste qui vient fort opportunément mettre un point final à ce superbe album. Rappelons qu’il ne s’agit nullement d’une danse de salon, mais bien de la mort qui vient rôder et nous emporter dans un dernier souffle... © François Hudry/QOBUZ/2024