Violin on Stage

Chronique

Les lauréats en série de concours internationaux ne réussissent pas toujours des carrières ou des enregistrements propres à séduire les critiques dans la « vraie vie ». Bomsori Kim, elle, y parvient. Son agenda déborde d’invitations de salles de concerts importantes et de festivals prestigieux, elle se produit en compagnie des meilleures phalanges et de grands chefs, pratique la musique de chambre avec d’autres jeunes talents à la renommée galopante. En matière discographique, sa première livraison chez Warner qui, de manière très imaginative, associait l’Opus 77 de Chostakovitch au Concerto n° 2 de Wienawski (la virtuose détient onze prix dont un décroché au Concours Wienawski édition 2016), recevait un bel accueil en 2017. Vinrent ensuite ses débuts sous pavillon Deutsche Grammophon avec le pianiste Rafał Blechacz, dans un programme de sonates pour violon et piano signées Fauré, Debussy et Szymanowski. Tous les astres étaient donc alignés pour que son premier album orchestral pour le label au cartouche jaune fasse grande impression.

Maintenant que nous pouvons en juger, « Violin on Stage » s’avère remarquable à plusieurs égards. Composé d’œuvres écrites ou inspirées par l’opéra ou le ballet, il souligne l’inclination de Kim pour la musique et les musiciens polonais – tant par la collaboration avec l’Orchestre Philharmonique NFM de Wrocław dirigé par Giancarlo Guerrero que par le fait qu’il s’ouvre et s’achève encore sur des œuvres de Wieniawski, dont la Fantaisie sur des thèmes du Faust de Gounod, longue de dix-sept minutes trente. L’album renforce aussi notre perception de l’art de la Coréenne comme de celui d’une interprète particulièrement portée sur le lyrisme, dotée d’une sonorité pure et chantante, capable de danser avec une souplesse de ballerine. En effet, si le timbre d’un instrument semble fait pour un programme centré sur l’opéra et le ballet, c’est bien celui de Kim. Chose que son jeu confirme autant dans la lecture élégamment fougueuse et pétillante de la Carmen-Fantaisie de Waxman que dans la douce mélancolie qui mâtine la Danse des Esprits bienheureux de Gluck, ici proposée dans une nouvelle transcription. Ce qui nous amène à la finalité de cette réalisation qui, sur les pas de Heifetz et Milstein, milite pour l’appropriation de morceaux bien connus par les violonistes virtuoses – le Pas de deux du Casse-noisette de Tchaïkovski nous parvient lui aussi dans un arrangement inédit.

L’enregistrement amène donc son lot de bonnes choses. Peut-être ne rend-il pas tout à fait justice à Kim. En termes de facilité d’écoute, il remporte son pari – il n’y a aucun mal à faire l’impasse sur le plat principal pour passer directement au dessert. On apprécie également de voir une violoniste se dévouer ainsi à la musique souvent négligée et hautement virtuose de Wienawski. Mais elle plaidait finalement mieux son cas lors de ses débuts chez Warner. En outre, ce bouquet de miniatures pensé pour plaire au plus grand nombre n’offre pas davantage de contrastes stylistiques ou expressifs qu’il ne possède de sens de la surprise. Même les morceaux rabâchés comme la Méditation de Massenet font leur effet lorsqu’ils sont intelligemment placés. Or la pièce se fond ici dans un grand tout. Par conséquent, et même si « Violin on Stage » montre toute l’élégance, le charme et la technique de Kim, je croise les doigts pour que sa prochaine incursion dans le répertoire avec orchestre chez Deutsche Grammophon reflète plus fidèlement les œuvres qu’elle aborde en concert au lieu de céder à la culture de la playlist, et lui donne ainsi l’occasion d’afficher sa force de caractère en matière de choix de programme et d’interprétation. En attendant, il ne sera pas dit que ce disque manque de style. © Charlotte Gardner/Qobuz

Détails de l'enregistrement original : Recorded : 12/2020, National Forum of Music, Main Hall, Wrocław (Poland)