Trilogy

Chronique

Condensé de deux tours du monde effectués entre 2010 et 2012, Trilogy remplit 3 CD avec dix-sept interprétations de standards revus et improvisés, de nouvelles compositions et d'une pièce d'Alexandre Scriabine, dont Chick Corea semble devenu un adepte ultra. Le tout en trois heures et demie de performances triées sur le volet, à partir de concerts captés à Washington D. C., Oakland, en Suisse, en Espagne, en Autriche, en Slovénie, au Japon et en Turquie.

Pour ce voyage au long cours, le pianiste avait débauché deux anciens membres de son Five Peace Band, le contrebassiste Christian McBride et le batteur Brian Blade, soit deux pointures du moment, en charge de carrières solo satisfaisantes. Il convient de saluer ce trio comme étant l'une des meilleures formations ayant jalonné le parcours de Chick Corea. L'entente irréprochable entre la section rythmique et le leader conduit à des performances transcendantes tel les neuf minutes du « Work » de Thelonious Monk, conçu en son temps avec Sonny Rollins, ou des pièces emblématiques comme « Spain », « Alice in Wonderland » et « Armando's Rhumba ».

Cette complicité de tous les instants, du percussif « You're My Everything » au générique de fin sur « Someday My Prince Will Come », comprend des moments d'anthologie avec le salut au regretté Paco de Lucia dans « Homage », avec les participations du flûtiste Jorge Pardo et du guitariste Nino Nosele, à l'occasion d'une étape madrilène. Les versions de « Fingerprints » et de « Recorda Me » (Wayne Henderson) figurent également parmi les sommets d'un généreux volume où le temps n'a pas de prise.

Sous les doigts de Corea, les harmonies complexes de l'« Opus 11 N°9 » de Scriabine ne résistent pas au swing jazz que leur impose le pianiste. Avant de conclure, celui-ci s'essaie avec bonheur à une nouvelle lecture de sa suite en mouvement, « Piano Sonata : The Moon », dont il livre une version de...trente minutes. Dès lors, devant un tel effort tournant au grand art, magnifié par une prise de son cristalline, il est rigoureusement impossible de faire la fine bouche.

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