Live At The Detroit Jazz Festival (Live)

Chronique

Invité en tant qu’artiste en résidence par le festival de Detroit lors de son édition 2017, le saxophoniste Wayne Shorter avait imaginé au départ de constituer pour l’occasion un quartet inédit exclusivement féminin en compagnie de la pianiste Geri Allen, de la contrebassiste et chanteuse Esperanza Spalding et de la batteuse Terri Lyne Carrington. La disparition prématurée de Geri Allen en juin de cette même année en décida autrement et c’est l’Argentin Leo Genovese, partenaire privilégié d’Esperanza Spalding depuis le milieu des années 2000, qui assura à sa place la partie de piano lors du concert exceptionnel que donna le quartet le 3 septembre.

Ce qui fascine immédiatement à l’écoute de ce document, c’est à quel point Shorter, à la tête de cet orchestre d’un soir, parvient en quelques mesures à imposer sa signature. Embarquant ses partenaires dans les méandres de ses compositions flottantes et nébuleuses aux charmes envoûtants (Endangered Species, Midnight in Carlotta’s Hair) mais s’emparant aussi bien des univers très typés et radicalement différents de Milton Nascimento (Encontros e Despedidas) ou de Geri Allen (Drummers Song) pour les métamorphoser au prisme de ses improvisations cotonneuses aux bifurcations imprévisibles et toujours poétiques, Shorter fascine par cette capacité unique à donner à l’auditeur la sensation d’être face à une musique totalement libre, comme dénuée de toute préméditation – s’inventant littéralement dans l’instant, dans le flux continu d’un discours véritablement collectif. On sait désormais que Wayne Shorter, 89 ans en 2022 et affaibli par la maladie, ne se produira plus sur scène : ce disque n’en est que plus indispensable. © Stéphane Ollivier/Qobuz