Rimsky-Korsakov: Scheherazade, Op. 35 - Lyadov: The Enchanted Lake, Op. 62

Chronique

Même très présent au disque et invité à diriger les plus belles phalanges, Dimitri Kitajenko n’aura pas fait la prodigieuse carrière que laissait présager son prix au Concours Karajan de 1969. Peut-être parce que, ancien patron du Philharmonique de Moscou à la suite de Kondrachine, il défend la musique russe avec une robustesse dépourvue de clinquant. Encore en 2014 à la tête de l’Orchestre de la radio de Stuttgart dans une Shéhérazade aussi loin que possible de l’exotisme facile dont beaucoup d’autres l’affublent.
De Rimski-Korsakov, les symphonies gravées par le chef durant son mandat à Bergen (Chandos) volent toujours la vedette à l’intégrale de Neeme Järvi à Göteborg (Deutsche Grammophon). On retrouve la même patte dans le portrait bourru du Sultan Shahriar qui, convaincu de l’infidélité naturelle des femmes, fait exécuter ses épouses après leur lune de miel. Toutes y passent. Toutes ? Non. Shéhérazade lui contera ses histoires pendant mille-et-une nuits pour sauver sa tête. Mais n’espérez pas qu’elle lui fasse ici la danse du ventre : le maestro construit le discours comme l’auteur le souhaitait, proche de la musique pure.
Reste le rare Lac enchanté de Liadov (1909), tableau sans thème ni direction d’ambiance impressionniste et symboliste. Kitajenko y mène sa barque sur une surface tranquille mais, solide sur ses basses, sonde la pièce dans toute sa sombre profondeur. ©Nicolas Derny/Qobuz