The Face of Mount Molehill

Chronique

De formation classique, et passé dans ses débuts professionnels par la case soul (en tant que sideman de Gabrielle ou de The Brand New Heavies) ou soft-rock – l’album 21 d’Adele lui doit énormément, et on peut parier qu’il en sera de même avec le très attendu effort d’Emeli Sandé -, le pianiste Neil Cowley symbolise le trublion empêcheur de tourner en rond de la scène jazz britannique, jamais là où l’attendent les conventions, véritable haricot sauteur mexicain, percutant les harmonies et le bon goût avec une semblable constance.



Ainsi de cet album en trio : certes, le contrebassiste nouvellement recruté Rex Horan et Evan Jenkins, fidèle compagnon s’il en est, à la batterie, allument au côté du patron des feux d’artifice soniques. Sauf que cet album célèbrent également des prémisses de collaboration entre le jazzman pas encore quadragénaire et un ensemble à cordes. On pouvait craindre la juxtaposition artificielle de la soie des violons au jeu pour le moins énergique du claviériste, mais il n’en est rien, tant la force de la musique l’emporte sur tous ses agencements.

En effet, on connaissait le peu de goût des trois musiciens précités pour l’univers conformiste du jazz, et la dictature de l’improvisation, souvent au détriment de la composition. Cowley et ses amis souhaitent depuis longtemps privilégier une approche de la musique qui balancent par-dessus les moulins principes élémentaires du jazz, de la pop, et autres musiques de films. La meilleure preuve en est l’enchaînement des trois premières pièces de l’opus : en ouverture, « Lament » développe un climat impressionniste et tendre qui n’est pas étranger à la musique savante européenne, et en particulier Claude Debussy (il en sera de même avec « Siren Last Look Back », mélodie conclusive).

Par la suite, « Rooster Was A Witness » déroule des riffs entrechoqués plus communément entendus dans le rock, breaks et puissance du phrasé inclus. Enfin, le romantisme épique de « Fable », fort d’une évidente évocation picturale, emporte l’auditeur dans l’enthousiasme de larges nappes acoustiques. Á noter que le guitariste Leo Abrahams (collaborateur de Brian Eno) laisse entendre ici ou là un instrument particulièrement évocateur, et que la fille de Cowley (un bébé) bénéficie même de quelques samples primesautiers.



Un album remarquable, qui, grâce à sa permanente inventivité, sa force tellurique, son intelligence, et son humour, conforte Cowley au tout premier rang des ingénieux Britanniques, des musiciens curieux (dans tous les sens du terme), des jazzmen qui fuient les coteries, et des artistes novateurs. Bref, un gars bien.

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