Jerry Lee's Greatest

Chronique

Ce deuxième album a paraître chez Sun, mythique label de Sam Phillips, démontre au moins deux choses : Lewis est, à la toute fin des années cinquante, le plus grand rocker de la planète (pour une fois, et en lecture inversée, l’intitulé n’est pas usurpé). Et Phillips, par ailleurs sympathique découvreur de talents (sans doute moins angélique qu’on a bien voulu le dire), n’y entendait strictement rien en matière de marketing.

Ainsi, si on évacue les monuments historiques (« Great Balls Of Fire », en repère de l’inconscient collectif), on se retrouve ici avec les habituelles appropriations du patrimoine (mais peu de rockers peuvent après tout aligner à cette époque l’ « Hello Josephine » de Fats Domino, et une incursion iconoclaste dans le « What’d I Say » de Ray Charles, dans une même sélection, et sans déchoir). Et c’est justement la faiblesse du catalogue (à peu près n’importe quoi, du « Money (That’s What I Want) » de Berry Gordy au pseudo traditionnel « Frankie And Johnny ») qui fait la grandeur de l’entreprise. Lewis interprète en effet magnifiquement l’ensemble, avec une rage qui est, en simplement trois années, devenue sa marque de fabrique.

Agissant comme un juke-box sauvage et vivant, Jerry Lee’s Greatest ! a les parfums pleins et entiers d’une fin de règne, d’un Sud qui s’évanouit dans le lointain, et d’une carrière qui bascule. Et face à la morale qui l’a rattrapé, Jerry Lee ne peut que sourire sur la pochette, et chanter merveilleusement. C’est déjà ça.

Outre les tubes déjà amortis et répertoriés, la version de « What’d I Say » se classera à la trentième place des charts américains de pop music, en vingt-septième position des classements country, et au rang vingt-six des hit-parades de musique noire. Comme quoi, il faut de tout pour faire un monde.

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