Distortion

Chronique

Distorsion, c'est écrit sur la boite… Et il n'y a pas tromperie sur la marchandise qu'offre Stephin Merritt : disto à gogo, reverb' en cubi, fuzz par boite de douze et feedback en citerne, l'électricité est la reine d'un soir du nouvel opéra de quatr' sous que signe le Cole Porter pop baroque. Les Magnetic Fields sont un genre à eux seuls, la marotte des fans de pop cynique, théâtrale et franchement décalée, fréquemment hilarante, emballée dans un minimalisme souvent déroutant mais toujours passionnant. Un peu comme le squelette d'une superproduction hollywoodienne… Un ovni corsé par la voix de baryton de Stephin Merritt, Scott Walker sous Lexomil, qui sculpte d'étonnants assemblages de mots, musicalement très cultivés (de Broadway à Abba en passant par Randy Newman) et formellement scientifiques (de l'haïku à l'Oulipo). Chansons d'amour (69 Love Songs en 1999) ou chansons en “je” (i en 2004), Merritt chérit les concepts. Cette fois, le Droopy newyorkais avoue avoir voulu adapter le son du Psychocandy des Jesus & Mary Chain à la réalité orchestrale des Magnetic Fields ; réalité incluant un piano, un violoncelle et parfois même un accordéon… Et ce son, limite garage 60's, sied plutôt bien à l'humour de Merritt qui ose les formules poil à gratter (I Hate California Girls), partage le chant avec Shirley Simms et fait de chacune de ses compositions des symphonies acerbes mais d'une bouleversante beauté. Un génie condensé sur Old Fools : une valse hypnotique portée par quelques notes de piano lointaines et cristallines qu'un mur du son quasi-spectorien rend presque irréel. C'est dans ces trous d'air que née, une fois de plus, la magie grinçante d'un songwriter à part, vraiment magnétique. © Marc Zisman