Wilco
L’histoire de Wilco est aussi complexe et protéiforme que celle du rock’n’roll de ces 50 dernières années… Déjà, la formation est l’enfant d’un divorce entre les deux hémisphères du cerveau du groupe Uncle Tupelo, belle Rolls de la country alternative du début des années 90 : Jay Farrar fonde Son Volt, et Jeff Tweedy conçoit Wilco avec les restes d’Uncle Tupelo, à savoir Ken Coomer, John Stirratt, Max Johnston et Jay Bennett. Le premier album A.M. qui parait en 1995 s’inscrit en grande partie dans cette country indie à l’ADN très rock’n’roll. On pense aux Stones de la grande époque, aux Replacements de Paul Westerberg et à Tom Petty. Et Tweedy impose sa plume sur toutes les compositions. Un an plus tard, le gang de Chicago booste ses ambitions et signe un double album, Being There, dont la particularité est d’accueillir un nouveau membre clef : Jay Bennett. Le disque toujours très stonesien dans l’âme ose quelques séquences plus expérimentales. Au rock et à la country alternative viennent se greffer de la power pop, du psychédélisme et du rhythm’n’blues. Bref le festin qu’ont ici mitonné Tweedy et ses sbires est impressionnant d’éclectisme.
Cette fibre pop en filigrane sur Being There explosera avec Summerteeth qui parait en mars 1999. Cordes luxuriantes et harmonies magiques, ce troisième album de Wilco doit aussi bien à l’héritage des Beatles que du Band, de Neil Young ou des Beach Boys. Il faudra attendre 2002 pour entendre Yankee Hotel Foxtrot, un disque né dans la douleur comme le raconte I Am Trying To Break Your Heart, un documentaire signé Sam Jones qui relate l’enregistrement et la production du disque mais surtout les multiples problèmes qui manquèrent d'empêcher sa parution. Le label du groupe, Reprise Records, dénoncera un manque de potentiel commercial pour ne pas le publier. C’est finalement Nonesuch Records qui se chargera du dossier. Dernier album de Wilco avec Jay Bennett, Yankee Hotel Foxtrot croulera sous les louanges et autres prix. Le site Pitchfork le classera même 4e meilleur album des années 2000 ! Il s’agit surtout d’un vrai tournant dans l’œuvre du groupe qui ose et expérimente plus que jamais. Le son et la touche Wilco sont désormais bien installés et les références tutélaires passées (Stones, Beatles, Band, etc.) ont été plus que digérées. Le disque est surtout d’une richesse jamais atteinte par Tweedy et Bennett. Pop, psychédélisme, rock indé, symphonie azimutée, krautrock, tout y passe ! Rarement la scène rock n’avait proposé une œuvre aussi belle et complexe. Un chaos fascinant car toujours sophistiqué…
Deux ans plus tard, A Ghost Is Born confirme les velléités expérimentales de Wilco que beaucoup taxe de Radiohead américain dans sa démarche. Une fois de plus Jeff Tweedy crée en jonglant avec tous ses démons, qu’ils soient pop ou classique ; ou autres… Finalement assez proche ou du moins s’inscrivant dans la continuité de Yankee Hotel Foxtrot, A Ghost Is Born est un nouveau fourre-tout génial, capable d’enchainer un tsunami de guitares saturées avec une ballade mélancolique au piano.
En 2007, le champêtre Sky Blue Sky marque une sorte de retour en arrière. Wilco semble alors revenir à la source de Being There avec ce disque qui fleure bon les seventies. Mais ces effluves de country alternative ne donnent pourtant jamais l’impression d’être une copie des débuts du groupe dans les rangs duquel on compte désormais le guitariste Nels Cline… Pour son septième opus, Wilco baptise son disque Wilco (The Album). Comme apaisé, Jeff Tweedy trempe toujours sa plume dans un rock solaire seventies. Les laboratoires fous qu’étaient Yankee Hotel Foxtrot et A Ghost Is Born semblent bien loin. Surtout, il aligne de nouvelles chansons au refrain implacable comme ce You Never Know qui mêlerait Tom Petty, Todd Rundgren et George Harrison ! Capable d'exceller dans le country rock, la pop solaire voire la musique expérimentale à la Radiohead, Wilco étonne à nouveau avec The Whole Love, sa cuvée 2011 truffée d'idées mélodiques, d'instrumentations raffinées mais surtout de chansons ciselées à l'or fin.
Déroutante sera la première écoute de Star Wars. Un sentiment sans doute lié à la diversité stylistique de ce neuvième album studio publié en juillet 2015 et qui aurait pu s’appeler Styles Wars… Wilco n’en est certes pas à son premier changement de braquet et on sait la capacité du groupe de Chicago à se réinventer. De l’Américana à la pop psychée, du rock expérimental au folk décalé, Jeff Tweedy dompte tout ce qu’il touche. Avec Star Wars, l’affaire se situerait cette fois plutôt au cœur des années 70 lorsque Lou Reed, David Bowie, Captain Beefheart et même les Beatles trituraient les sons, maltraitaient leurs guitares, bref empêchaient le rock’n’roll de tourner en rond. Il y a donc du psychédélisme assumé, de la noise chahutée, du glam rock magnifié, de la pop folk léchée et plein d’autres choses superbement maîtrisées dans Star Wars, grand disque très électrique de rock contemporain. Après ce nerveux essai, le groupe de Chicago signe Schmilco, nettement plus mélancolique et surtout acoustique. « Je pense que ce disque est joyeusement négatif, précisera Tweedy. Il est triste pour pas mal de raisons mais pas au point que tout se termine en désespoir ou en châtiment. » Une fois encore, la causticité du bonhomme ne fait guère défaut tout au long d’un dixième album assez en phase avec sa pochette dessinée par l’Espagnol Joan Cornellà, lui aussi grand maître de l’humour noir… Dans ses mélodies feutrées comme If I Ever Was A Child et Cry All Day, Jeff Tweedy est réellement brillant. Dans les ballades déglinguées (Common Sense), sa voix reste un fil conducteur attachant. Schmilco est surtout la preuve supplémentaire que Wilco reste unique dans sa façon si personnelle d’aborder le rock’n’roll. Tout semble baigner dans un classicisme rock et folk de façade mais, à l’arrivée, déstabilisé par la plume de Tweedy ou la guitare de Nels Cline ou bien encore tout un tas d’autres petits éléments qui rendent Wilco si unique… © MD/Qobuz
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