Catégories :
Panier 0

Votre panier est vide

Lili Boulanger

Il semble que dès son jeune âge, Lili Boulanger (Marie Juliette Olga Boulanger, dite Lili ; 1893-1918) savait qu'elle ne séjournerait pas très longtemps sur cette Terre ; sa santé, déjà chancelante en son enfance, ira s'étiolant jusqu'en ce 15 mars 1918 où elle s'éteindra à l'âge de vingt-quatre ans. Est-ce à cette impalpable prémonition qu'est due l'étonnante quantité d'oeuvres qu'elle aura écrites en seulement quelque cinq années créatrices, et l'immense qualité spirituelle de sa musique ? À six ans, sa musicalité naturelle émerveille un ami de la famille, Gabriel Fauré, qui lui donne ses premières leçons de piano. Avant même d'entrer au Conservatoire de Paris en 1909, elle aura appris le piano, le violon, le violoncelle, l'orgue, la harpe, le contrepoint et la fugue. Sa grande soeur, Nadia Boulanger, encourage ses premiers essais de composition, mais il ne subsiste quasiment rien de cette époque de première jeunesse. En 1912, Lili tente le Prix de Rome mais sa santé l'oblige à se retirer à mi-parcours ; par contre, elle décrochera le célèbre Prix l'année suivante, en 1913, ex-æquo avec Claude Delvincourt - dont certains observateurs affirment qu'il aida la jeune femme en cachette pour parachever l'orchestration de la cantate, eu égard à sa faible constitution. Toujours est-il que le contenu musical de la cantate témoigne d'une sensibilité à fleur de peau, d'un art de l'architecture déjà accompli, et d'un langage qui s'échappe largement de son maître Fauré et de l'un de ses évidents modèles, Franck.



En 1914, Lili se rend à Rome pour profiter de son Prix, mais la Guerre écourte un séjour qui aurait peut-être, qui sait, amélioré son état de santé, du moins temporairement. Il ne lui reste désormais que quatre années à vivre, ce dont elle profitera pour composer une impressionnante quantité d'oeuvres - de chefs-d'oeuvre aussi -, principalement consacrées à la voix et au choeur, d'inspiration biblique ou, du moins, spirituelle et sacrée. Sur la quarantaine d'ouvrages qu'elle a légués à la postérité, seuls une demi-douzaine sont purement instrumentaux ; on singularisera D'un soir triste, un grand moment de solitude orchestrale d'une étonnante modernité dans son traitement harmonique et thématique, et son quasi-pendant D'un matin de printemps, primesautier, certes, mais sombre malgré tout. D'emblée, la musique de Lili Boulanger ne ressemble à aucune autre de son époque, et même si les influences ne sont pas cachées, elles se greffent sur un langage puissamment personnel, parfois à la limite de l'atonalité, presque toujours d'obédience modale, d'une grande ampleur et surtout d'une émotion à fleur de peau qui ne laisse aucun auditeur indifférent. On ne peut que se demander jusqu'où Lili Boulanger serait allée si le sort lui avait réservé quelques années de sursis.



Parmi ses plus intenses oeuvres sacrées se trouvent les trois Psaumes pour choeur, petit ensemble instrumental et orgue, des petits bijoux de concision, d'adéquation entre texte et musique. Le plus impressionnant de ces Psaumes reste sans doute le psaume CXXX, Du fond de l'abîme, vingt-cinq minutes d'épreuve des sens et des émotions. La texture instrumentale elle-même, d'une grande originalité, laisse imaginer que Lili Boulanger aura peut-être entendu certaines tournures de Dukas, en particulier dans La Péri. Mais de l'autre côté de la chaîne, Olivier Messiaen aura-t-il entendu les étagements d'accords du Psaume CXXIX de Lili Boulanger, férocement avant-coureurs de ses propres harmonies dix ans plus tard ? Le plus curieux, sachant que la période créatrice de la compositrice se situe entre 1913 et 1918, c'est l'absence d'une quelconque influence debussyste, sauf peut-être dans les rares moments plus légers tels que D'un matin de printemps, une courte mais bien belle évocation d'un instant de répit dans sa vision du monde par ailleurs tragique, quand bien même résignée.



S'il est une autre oeuvre d'une étonnante originalité, c'est la Vieille prière bouddhique, avec son traitement de la voix si singulier, évoquant sans jamais les copier les sonorités de quelque instrument oriental oublié ou imaginaire. Là encore, le langage modal appartient au monde personnel de Lili Boulanger, qui développe un folklore asiatique purement imaginaire. Chef-d'oeuvre à écouter sans tarder.



À la disparition de Lili Boulanger en 1918, sa soeur aînée Nadia décide d'abandonner entièrement la composition, et de se consacrer à la promotion des oeuvres de sa soeur ; la quête de toute une vie, qui réussira avec des hauts et des bas, et dont la quasi-fanatique insistance a pu parfois porter ombrage à la bonne volonté des uns et des autres. Ce n'est que ces dernières années que la musique de Lili Boulanger a enfin réussi à se détacher des étiquettes « musique de femme compositeur », « musique de la soeur de Nadia Boulanger », « musique d'une jeune compositrice morte à 24 ans qui aurait pu aller si loin. », pour être écoutée pour ce qu'elle est : de la superbe musique française du début du XXe siècle, celle d'un compositeur à part entière.



© Qobuz 03/2013

Artistes similaires

Discographie

10 album(s) • Trié par Meilleures ventes

Mes favoris

Cet élément a bien été <span>ajouté / retiré</span> de vos favoris.

Trier et filtrer les albums