Le Motel, ma maison

Chronique

Niché dans un coin de l’impasse Josset près de Bastille, le bar le Motel est un véritable bastion de la scène indépendante, grâce auquel de nombreux groupes désormais installés ont fait leurs premières armes. Parmi ces trophées de chasse flamboyants se trouve le Klub des loosers, dont le morceau Les Statues figure naturellement en bonne place sur cette compilation fêtant les dix ans du lieu. A leurs côtés, on aura plaisir à retrouver la pop solaire et onirique de Xavier Boyer et de O. ainsi que celle, plus psychédélique, de Yeti Lane. Les membres de School Daze poursuivent avec talent leur exploration protéiforme et drolatique de la dance, avec un morceau au titre délectable (Don’t Want to Be a Hippie but I Wanna Get Scones). Dorian Pimpernel et Sans Sebastien lorgnent quant à eux, respectivement, Ennio Morricone et Giorgio Moroder, avec pour point commun une attirance manifeste pour les cloches.

La chanson Motel se caractérise grosso modo par une musique chiadée, érudite et amoureuse des belles harmonies et des structures complexes. De plus, elle ne rejette pas les textes en français, avec toutefois une légère préférence pour la langue de Shakespeare. Tout en maniant l’humour avec dextérité, c’est également une chanson au parfum souvent désabusé : outre le nihilisme légendaire de Fuzati du Klub des loosers, on sera particulièrement touché par les questionnements de Ben Kerber, la nostalgie étrange de Lenparrot et la subversion laconique de Music For Alternative Babies. Mais peut-être parce que tout ce beau monde s’est retrouvé un jour ou l’autre dans ce Motel à l’ambiance si souriante et chaleureuse, cette série de pépites nous incite à croire qu’un espoir est toujours permis. Et si une averse se met à tomber au moment où vous écoutez ce disque dans votre auto, au milieu de la nuit, n’hésitez pas à faire une halte dans ce « bath motel » à l’enseigne rose. Vous y serez bien accueillis. ©Nicolas Magenham/Qobuz