Kel Tinariwen

Chronique

Aux premières minutes de cet album de Tinariwen, certains auditeurs vont penser à une erreur d’aiguillage, genre « le nouvel album de Cali s’est glissé dans celui des Wampas ». Le morceau A l’histoire est chanté par une voix féminine, sur un accompagnement musical synthétique. Mais où sont les rockers du désert brandissant leurs fières guitares électriques ? En gestation. On croyait que les premiers enregistrements du groupe dataient du début des années 2000, avec le séminal album The Radio Tisdas Sessions, qui a posé les bases du désert blues à guitare, emblématique de Tinariwen.

C’était en fait le premier album destiné au marché européen. Car avant cela, Tinariwen existait depuis une quinzaine d’années et sa musique circulait sur des cassettes réservées au public local du Sahara. Kel Tinariwen est la réédition d’une de ces rares cassettes, sorties à l’origine en 1992. Les boîtes à rythmes et les synthés font jeu égal avec les guitares – voire les dominent. L’instrumentation synthétique rend les chansons assez guillerettes et naïves, pop et parfois un peu reggae, avant que n’arrivent quelques voix masculines éreintées et des guitares de charmeurs de serpents.

Il faudra attendre la fin des années 90 pour que des fans français orientent et produisent le groupe dans la formule guitar band électrique qui a fait leur succès international. Quand Tinariwen fait son premier concert sur le continent européen, au festival Toucouleurs à Angers en 1999 à l’invitation du groupe Lo’Jo, il s’appelle Azawad et il a encore des synthés sur scène. Cette réédition primitive de Tinariwen casse un peu le mythe, mais elle ne manque pas de charme et a le mérite de rétablir la vérité historique. © Stéphane Deschamps/Qobuz