Emotional Mugger

Chronique

Dire de Ty Segall qu’il s’agit d’un musicien prolifique est un doux euphémisme. Personne ne se risque d’ailleurs à comptabiliser réellement le nombre d’albums que le multi-instrumentiste californien a publié depuis 2008, que ce soit sous son nom ou au travers de divers side-projects.

  Emotional Mugger n’est pourtant pas un opus fait à la va-vite, et après avoir fait ses preuves et commis quelques erreurs dont il a su retenir les leçons, Ty Segall a pris soin de maintenir un certain feeling tout au long de l’album, garantissant ainsi une plus grande homogénéité globale. Cela n’empêche bien sûr pas quelques petits faux-pas mais en multi-instrumentiste aguerri, il sait vite les gommer en affirmant un jeu des plus inspirés. C’est notamment le cas sur « Candy Sam » dont le solo de guitare bluffant est assurément l’un des temps forts du disque, tandis que « Mandy Cream » en est le meilleur morceau grâce à un groove funk savoureux, un synthé bourdonnant et là encore, une guitare aux avant-postes. 

C’est l’un des points forts, comme toujours, de Ty Segall : son éclectisme. S’il n’a pas encore 30 ans, sa musique reste profondément marquée par des influences toutes plus riches les unes que les autres : il y a là des éléments de punk, de glam, de metal, de garage-rock, et cette saveur sixties-seventies que seuls les élus sont à même de reproduire fidèlement, en en conservant jalousement les secrets de fabrication. Sur la chanson-titre par exemple, la partie basse semble provenir d’un synthé Bontempi qui aurait du plomb dans l’aile, « Squealer » est quant à elle faite d’un funk sauvagement décousu aux sonorités de guitares toujours plus bizarres, tandis que « Baby Big Man » a une ambiance presque médiévale avec sa guitare que l’on confondrait facilement avec un orgue d’église. 

« Magazine » est absolument déroutante avec son dialogue inattendu entre une basse fuzz et une guitare-cornemuse tandis que la furieuse valse « Breakfast Eggs » se réserve un destin « Thin-Lizzyesque » en faisant intervenir conjointement deux guitares lead. Si Emotional Mugger n’est pas nécessairement toujours très digeste, il n’en demeure pas moins un objet musical non identifiable fascinant à découvrir.

©Copyright Music Story 2016