Blues From Laurel Canyon

Chronique

Le disque commence par le bruit du réacteur d’un avion et se poursuit avec l’un des meilleurs albums de John Mayall. Blues from Laurel Canyon (en allusion à la maison où Frank Zappa avait hébergé John Mayall lors de l’un de ses premiers séjours aux Etats-Unis) constitue également un élégant redressement moral du chef de file du blues britannique, après une période de doute qui l’a vu dissoudre ses Bluesbreakers, céder aux sirènes de la fusion et du jazz plus ou moins rock (Bare Wires), renoncer (momentanément) à une section de cuivres et revenir à l’idiome du blues le plus orthodoxe qui soit.   Ainsi, John Mayall qui, sur les photos du livret, se rêve manifestement en sauvage éclairé, est ici entouré de deux post-adolescents (le guitariste Mick Taylor, toujours impérial, et un bassiste néophyte, en la personne de Steve Thompson). Ce dernier trouvera par ailleurs dans ce disque un tremplin à toute sa carrière, devenant au fil des mois une figure incontournable du blues blanc (Stone The Crows, Alvin Lee), même s’il se fourvoiera parfois aux confins mêmes du heavy metal (Tygers Of Pan Tang).   Quant au batteur Colin Allen, qui a déjà, au moment des sessions, croisé la route du vétéran du blues anglais Zoot Money, il est à l’époque, et sans nul doute, l’un des spécialistes du genre. Blues… est donc un album de blues simple et dénué de sophistication, mais c’est également un grand disque de John Mayall, déployant ici comme rarement ses capacités de compositeur (« Vacation »), son sens de la dramatisation (« First Time Alone »), son nuancier d’une grande finesse (« Medicine Man », beau comme un western crépusculaire) et son goût des hommages (« The Bear », en salut amical à Bob Hite, chanteur de Canned Heat).   Le jeune vieillard du blues anglais chante merveilleusement, de bout en bout, toute la tendresse du monde nichée au fond de la gorge. De plus, le patron sait lâcher la bride à ses jeunes troupes : cela donne le long « Fly Tomorrow » et des envolées de guitare inouïes d’élégance. Comme à l’accoutumée durant cette période, Mike Vernon assure la production. Le guitariste Peter Green vient croiser le manche, pour quelques mesures, avec Taylor, mais n’est pas crédité. Et Blues From Laurel Canyon atteint en 1969 la… soixante-huitième position du classement des ventes d’albums pop, ce qui reste une aimable plaisanterie si l’on considère le plaisir, aujourd’hui comme hier, que procure cette musique.



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