Yirinda

Chronique

En butchulla, langue ancestrale d’un peuple autochtone insulaire de l’est de l’Australie, Yirinda veut dire « maintenant ». Pas « hier », mais peut-être demain. Dans Yirinda, le chanteur Fred Leone est d’origine aborigène, et il chante en butchulla. La langue butchulla est en voie de disparition, et Fred Leone en est un des rares chanteurs. L’autre membre du duo s’appelle Samuel Pankhurst, il est contrebassiste, compositeur et producteur dans les sphères de la musique électronique contemporaine. La musique qu’ils font ensemble n’a rien d’un enregistrement ethnologique ou traditionnel. Dès le premier morceau, une longue boucle de chant accompagnée d’instruments à cordes qui apaise et impatiente en même temps, on attend le lever du soleil comme un rituel, on entre dans un album de musique autant ambient qu’organique. La voix de Fred Leone est douce et voilée, comme si elle portait dans son timbre l’extinction. Elle est accompagnée de peu de notes : contrebasse aux cordes pincées, percussions polyrythmiques, harmonies lunaires, motifs de pianos ou boucles de synthés vintage. Comme toutes les musiques liées à un peuple et un territoire, celle-ci est en phase avec la terre et le ciel, entre l’expression universelle de sentiments anciens et la quête d’aventure musicale. L’homme qui a mixé l’album à Londres a notamment travaillé avec Björk et Arca, et ça s’entend : l’album oscille en permanence entre musique tribale et arrangements futuristes. Aux non-spécialistes des cultures aborigènes, Yirinda évoquera une musique de transe zen, une messe pour le temps présent, dans les confins du monde. © Stéphane Deschamps/Qobuz