Source (Dengue Dengue Dengue Remix)

Chronique

Issue de la bouillonnante scène londonienne du jazz, la saxophoniste Nubya Garcia délivre son premier album Source, après la parution de deux EP, Nubya's 5ive (2017) et When We Are (2018), qui l'ont déjà placée parmi les grands espoirs de cette génération spontanée. Cet album inaugural intervient après de multiples collaborations de la musicienne formée au Berklee College of Music de Boston, au sein du groupe Maisha de Jake Long puis du sextette féminin Nérija. Repérée par le producteur et défricheur sonore Gilles Peterson, aboubée par la radio Jazz FM comme artiste de l'année et signée aux États-Unis par le label Concord Records, Nubya Garcia accède d'emblée à une audience internationale.Constitué de neuf pistes, l'album Source n'est pas une vraie-fausse compilation de ses sorties précédentes, mais un véritable album original proposant des compositions inédites à l'exception du morceau-titre, élaboré dans l'EP When We Are mais présenté ici dans une nouvelle version. Co-produit avec Kwes, connu pour son travail avec Bobby Womack, Solange Knowles et Loyle Carner, ainsi que Nérija où il a croisé la saxophoniste, cet essai élargit donc la perspective quant au style musical de Nubya Garcia, dont l'inspiration se tourne autant vers un jazz cosmopolite que vers la spiritualité et l'agenda social et politique. Accompagnée par Joe Armon-Jones (piano), Daniel Casmir (contrebasse) et Sam Jones (batterie), soit un noyau représentatif de la nouvelle scène anglaise, la musicienne donne la pleine mesure de son talent. Ouvert par le morceau « Pace », une composition étirée donnant lieu à un chorus époustouflant, Source laisse entrevoir les influences latines de Nubya Garcia et son goût pour le jazz modal de ses aînés. Cet sensibilité pour les rythmes caribbéens est bien entendu patente dans « La Cumbia Me Está Llamando », dominé par les percussions et le chant choral de l'ensemble colombien La Perla. Dans « The Message Continues », c'est le dialogue entre la soliste et le pianiste, ici au Fender Rhodes, qui prédomine dans un moment complice et apaisant de jazz spirituel. Morceau-phare étendu sur une douzaine de minutes, « Source » prend de l'ampleur après une introduction en forme de dub, relayée progressivement par le feu roulant instrumental et vocal de Ms. Maurice (Sheila Maurice-Grey) et Cassie Kinoshi (Nérija), ainsi que Richie Seivwright (Korokoko). En comparaison, la ballade « Together Is a Beautiful Place to Be » calme les ardeurs par un délicieux échange feutré, appuyé par les cymbales de Sam Jones. De retour sur « Stand with Each Other », le trio vocal assiste l'étrange duo entre le saxophone et les percussions. Autre moment fort de Source, « Inner Game » séduit d'emblée par sa tonalité solaire et dansante, et son bel équilibre qui conduit à un finale explosif. Deux autres pièces significatives, « Before Us: In Demerara & Caura » et « Boundless Beings », concluent avec bonheur cet premier recueil, riche et enthousiasmant.

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