Soleil du soir

Chronique

Trente-cinq ans de « carrière », avec quelques longues années entre parenthèses, au sens propre du mot, et le Hollandais volant Dick Annegarn n’a pas perdu l’envie, comme ce dix-huitième album en témoigne de la plus épatante façon.

L’hurluberlu de la chanson a cette fois ouvert un chapitre « américain », évidemment décalé puisqu’il a écrit et enregistré cet album avec la complicité précieuse d’un autre original, Freddy Koella. Un Mulhousien qui s’est fait connaître avec « Femme libérée » et Cookie Dingler, puis est parti à La Nouvelle-Orléans jouer avec Zachary Richard, enregistrer plusieurs albums et assumer les tournées afférentes de Willy DVille, avant d’accompagner Bob Dylan pendant quelques tournées. Sacré pedigree ! Bras droit d’Annegarn sur Soleil du Soir, il manie dobro, violon, percussions et guitare pour créer autour des historiettes du Batave malicieux, une ambiance un rien Far West, très acoustique et dépouillée, mais riche d’effluves qui fleurent bon le blues rural et le western swing.

Sur ce canevas de dentelles, la galerie de personnages troussés par Dick Annegarn réunit « Jacques » (Brel) ou « Théo » (une supplique de son frère Vincent Van Gogh), deux héros d’outre-Quiévrain, voyageurs et tragiques, dans lesquels l’auteur d’ « Ubu » et autres billevesées impérissables se reconnaît forcément une fraternité. De « Bluesabelle » en « Blues de Londres » (emprunté à un album des années 1980), Annegarn fait son hobo, parcourant les chemins de traverse de la musique folk près de l’os, toujours intime et si proche de ses auditeurs qu’il les captive à coup sûr de sa voix de gorge élastique, avec ses mots naturels et modestes.

Revenu dans les feux de l’actualité depuis son contrat avec le label tôt Ou tard, l’homme taillé à coup de serpe reste une voix unique et une voie rare dans la chanson française.


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