Ragas Abhogi & Vardhani (Rudra Veena // Seattle // 9 March 1986)

Chronique

Cet enregistrement datant de 1986 nous ramène à l’essence de la tradition hindoustanie du Nord de l’Inde. De tous les styles liés à la musique classique indienne, le dhrupad est le plus ancien. C’est à partir de cette musique chantée ou instrumentale, initialement pratiquée dans les temples depuis le XVe siècle, que se sont affirmés les principes du râga qui régissent cette culture musicale. Pour faire simple, à chaque râga sont associés un certain nombre de notes, une couleur ou une humeur ainsi qu’un moment de la journée. Il convient d’utiliser ces éléments selon une procédure immuable qui démarre avec l’alap, durant lequel les notes sont présentées, suivi par le jod, qui voit l’arrivée des cycles rythmiques, et se termine par le jhala, pendant lequel rythmes et développements mélodiques s’accélèrent pour se conclure avec intensité.

Zia Mohiuddin Dagar (1929-1990) appartenait à la plus célèbre dynastie de musiciens dhrupad et était un maître de la rudra veena. Cet instrument à cordes qu’il a largement aidé à sortir de l’oubli est constitué d’un manche de bambou, mesurant entre 137 cm et 158 cm, aux extrémités duquel sont fixés deux grands résonateurs qui amplifient le son des sept cordes de l’instrument.

Cet album reproduit un récital donné à Seattle, dans la maison de l’architecte, photographe et réalisateur indien Niranjan Benegal. Sans l’aide de percussions, Zia Mohiuddin interprète les trois cycles de deux râgas. Abhogi est un râga pentatonique du début de soirée qui appartient à la musique carnatique d’Inde du Sud et vardhani est l’un des râgas favoris du maître. Les sonorités graves, lentes et majestueuses de la rudra veena sont particulièrement envoûtantes lorsque l’instrument est manié avec autant de maestria. Les interférences liées aux frottements de l’instrument ou aux bruits du public sont vite oubliées tant l’intensité du jeu est forte, tant la force spirituelle de la musique est communicative. © Benjamin MiNiMuM/ Qobuz