Övergivenheten

Chronique

Plus les années passent, et plus les sorties de Soilwork constituent de véritables pochettes-surprises. Alors que son EP de 2020, A Whisp of the Atlantic, semblait amorcer un virage progressif/agressif assez marqué (et très réussi), cet Övergivenheten s’ouvre sur deux titres particulièrement déstabilisants : le morceau-titre de l’album et Nous sommes la guerre sonnent en effet comme une version à peine plus métallique de The Night Flight Orchestra, side project rock (limite West Coast) du chanteur Björn Strid et du guitariste David Andersson. A grand renfort de chœurs et de mélodies épiques mais très orientées AOR, on peine à reconnaître le groupe qui a accouché un jour de la boucherie The Chainheart Machine (2000). A peine Electric Again a-t-il remis un peu d’énergie thrash dans la machine que Valleys of Gloam revient en territoire ultra-mélodique, avec chant clair et refrains calibrés radio mixés aux avant-postes.

Et l’album s’égrène sur le même mode plus d’une heure durant : comptez en moyenne une cuillère de tabasco pour trois cuillères de miel. S’il est loin d’être désagréable, le résultat a de quoi surprendre. Il faut aimer le sucré/salé très sucré. Entendons-nous bien : Soilwork a du talent à revendre et maîtrise absolument tous les aspects de sa musique. Strid, pour prendre l’exemple le plus parlant, est un excellent chanteur mélodique mais peut toujours vous décoiffer d’un seul cri. En revanche, la sensation prégnante de voir le groupe constamment assis entre deux chaises est bien réelle. Chaque titre pris individuellement est intéressant, mais l’ensemble manque d’une vraie ligne directrice, comme si Soilwork, qui accuse pourtant 26 ans d’existence, cherchait encore sa voie. Peut-être faut-il voir en Övergivenheten un « grower », ce genre d’album qui ne révèle son véritable génie qu’au bout de plusieurs dizaines d’écoutes ? C’est tout à fait possible. Pour l’heure, et malgré plusieurs écoutes studieuses, la circonspection et l’étonnement prennent toujours le dessus. Un peu comme dans les yeux d’une poule qui aurait trouvé un iPad. © Charlélie Arnaud/Qobuz