Key Change

Chronique

Dominic « Mocky » Salole fait partie de la bande de doux dingues canadiens exilés à Berlin comptant dans ses rangs Chilly Gonzales et Leslie Feist. C'est le plus discret de cette équipée talentueuse, à la fois intellectuelle et désinvolte, néanmoins animée par une quête de la perfection pop. Quand Mocky ne joue pas de la basse et des claviers sur les albums de Jamie Lidell, il produit Puppetmastaz et compose pour les chanteuses Cibelle et Selah Sue. 

Key Change est le cinquième album de ce multi-instrumentiste versatile, capable d'enchaîner des réalisations de house music chic avec du funk et de la soul mutante. Aujourd'hui, il dévoile l'une des facettes les plus surprenantes de sa personnalité, c'est à dire sa passion pour les années 1960/1970, cette époque bénie de l'industrie musicale où des équipes telles que Burt Bacharach-Hal David et Holland-Dozier-Holland fabriquaient des tubes à la chaine sans flirter avec la vulgarité.

Les premiers titres « Upbeat Thing » et « Soulful Beat », introduisent les variations brésiliennes qui forment le canevas de l'album. « When Paulie Gets Mad » sert d'articulation thématique entre les différents morceaux. L'instrumentation, d'une opulence incroyable, est malgré tout amenée avec beaucoup de finesse. Piano, cordes, flute traversière et percussions un peu rêches, à la manière des productions Stax, évoquent certains enregistrements d'Antonio Carlos Jobim, des extraits de la bande originale du film Orfeu Negro ou les motifs faussement naïfs des thèmes d'Ennio Morricone de Mon nom est personne.

« Weather Any Storm », un duo féminin/masculin sur tempo langoureux, accentue la sensation d'exotisme doucereux, tiraillé entre un détachement et une légère tristesse. « Whistlin' », siffloté en délicatesse et humour aigre-doux, comme son nom l'indique, fait penser à la fantaisie de Vladimir Cosma dans Les Malheurs d'Alfred. « Living in the Snow », bâti sur une basse rondouillarde et des percussions nerveuses, rehausse le tempo mais des cuivres nonchalants et un chant distancié nimbent l'ensemble dans une mélancolie irrésistible. « Time Inflation (Message to R2) » poursuit dans cet exercice de funambule, suspendu entre la dynamique de claviers Rhodes et la langueur de sanglots longs de violons.

La chanson « Head in the Clouds » traduit bien cette sensation que le musicien observe avec une hauteur poétique le monde qui l'entoure. Le dernier thème, « Hymne (for Murka) », est une ode mi-folk mi-bossa nova abandonnant insidieusement l'auditeur dans ses songes. Mocky l'excentrique publie donc, en plein été, un disque aux saveurs automnales. Curieux mais plutôt réussi.

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