Hot House

Chronique

Éblouissante virtuosité, complicité confinant à la télépathie, et attitude d’adolescents prolongés face à la musique (tout est bon, pour peu qu’on y amène son âme) : en reconstitution de ligue dissoute – tout le monde a en souvenir le prodigieux album que fut Crystal Silence, produit en 1973 – deux icônes se retrouvent en studio, et c’est sublime, forcément sublime.



Célébration resplendissante du 40ème anniversaire de leur première collaboration, Hot House est donc un album qui laisse en tête-à-tête (à une pièce exceptée près) l’un des plus brillants pianistes de sa génération (en jazz, musique symphonique, pop ou musique latine), et le plus éblouissant vibraphoniste des cinquante dernières années. Très majoritairement enregistré dans le propre studio du pianiste, le disque rassemble une sélection de dix thèmes, pour la plupart sinon prestigieux, tout du moins à la signature largement célébrée. En ouverture, la délicieuse romance de « Can’t We Be Friends » étincelle des mille feux de la complicité entre les deux instrumentistes. Le duo accélère ensuite la cadence avec une version trépidante de l’ « Eleanor Rigby » de Lennon & McCartney. Deux mélodies d’Antonio Carlos Jobim et Vinicius Moraes ont également été retenues : le duo avait appris « Chega De Saudade » durant les sixties lors d’une villégiature chez Stan Getz (parfois, la légende s’avère tellement séduisante qu’on ne saurait la mettre en doute), et « Once I Loved » délivre également la luxuriance de sa mélodie toute en suspension.

Corea et Burton ont en outre porté leur dévolu sur un thème de Bill Evans (« Time Remembered »), ainsi qu’une rareté signée Thelonious Monk (« Light Blue »). Car les deux jazzmen ont souvent poussé la curiosité – et la coquetterie – à retenir des airs peu célébrés, tel le « Strange Meadow Lark », assurément le titre le moins connu du pourtant très acclamé album du Dave Brubeck Quartet Time Out. Enfin, l’opus s’achève par une composition de Chick Corea : pour le délicieux « Mozart Goes Dancing » il a été nécessaire de rouler les tapis et de pousser les plantes vertes en studio, afin de ménager une place au Harlem String Quartet : le résultat, étourdissant, ne manquera pas de rappeler My Spanish Heart, l’un des albums les plus empreints de latinité du pianiste.



Hot House, rencontre au sommet, et point culminant itou d’un certain jazz de chambre, offre éblouissements, musicalité, sophistication, swing frénétique, et même humour. Si la vie était bien faite, cela devrait être systématiquement le cas. Rendons ainsi grâce à Chick Corea et Gary Burton d’offrir l’exceptionnel à notre quotidien.

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