Four MFs Playin' Tunes

Chronique

Il va donc être nécessaire, encore une fois en ce qui concerne le saxophoniste originaire de Louisiane, de soigneusement lustrer une collection de superlatifs : le quartette de Branford Marsalis est en ville, et, soudain, les nuits sont plus chaudes.


Au chapitre des premières, retenons que cette session accueille le batteur Justin Faulkner, en remplacement de Jeff Watts : bien qu’intégré au line-up depuis plus de trois ans – il venait d’avoir dix-huit ans -, l’instrumentiste qui, presque enfant, fit ses gammes dans le rhythm and blues, n’avait jamais vu son nom figurer sur un disque de son patron et pygmalion. Les deux autres membres du quartette sont également de fidèles compagnons : le pianiste Joe Calderazzo, formé auprès de Michael Brecker, a porté son art du contrepoint, et l’élan qu’il procure ainsi au soliste, à un niveau rarement égalé. Quant à Eric Revis, avant de tenir la contrebasse ici, il fut ailleurs (la Nouvelle-Orléans) élève...d'Ellis Marsalis.

Des neuf thèmes retenus, la plupart sont des compositions originales, sous la responsabilité pratiquement paritaire de Calderazzo, Revis, et Marsalis. On relèvera en outre la présence d’une composition de Thelonious Monk (« Teo », en hommage à son producteur Teo Macero), et celle d’une partition des années 1930 : « My Ideal » fut en son temps immortalisée par Coleman Hawkins, puis Donald Byrd. Mais le plus remarquable réside, naturellement, dans l’usage que font les musiciens de l’art du quartette : voici un vrai groupe, et non pas un simple défilé de solistes virtuoses, c’est-à-dire un assemblage de talents qui font de leur rencontre une réalisation encore davantage performante.

Durant tous les chorus du saxophoniste, les trois membres de sa luxueuse section rythmique propulsent Marsalis vers des sommets de créativité, grâce à une approche tout à la fois ludique et construite de la musique. Tout, en fait, agit comme un tremplin : les compositions impulsent les improvisations, et le quartet se montre aussi confortable dans la musique écrite, que dans la forme la plus libre, dans la ballade que dans les tempos plus soutenus. Et l’on s’autorisera une mention spéciale au bénéfice de Faulkner, délivrant un superbe solo dans « Whiplash ».



Écouter Four MFs Playin’ Tunes, c’est pénétrer dans l’imaginaire de quatre musiciens au faîte de leur art, tout de contrastes et de nuances subtiles. On nous convie à un voyage délicat, tendu et émouvant : ce serait criminel de refuser l’embarquement. Un des disques essentiels de l’année.

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