Ernest Moeran: Chamber Music

Chronique

Dans le paysage si vaste de la musique anglaise, il y a des secrets bien gardés, à l’instar du si poignant Patrick Hadley (1899-1973) ou du plus flamboyant Ernest John Moeran (1894-1950). Pour ceux qui, un jour, eurent la curiosité de s’immerger dans la grande Symphonie (1934-1937) de cet élève de Charles Villiers Stanford au Royal College of Music puis de John Ireland à la fin de la Première Guerre mondiale, cet album monographique sera un incontournable. Incluses au programme, quatre œuvres de musique de chambre rarement enregistrées : la Sonate pour violon et piano de 1923, la Sonate pour deux violons de 1930, un bref Prélude pour violoncelle et piano composé en 1943, et enfin le Trio pour piano de 1920.

Il existe une connexion forte entre Moeran et l’Irlande : son père était né à Dublin, et, alors officier militaire, il passa lui-même quelque temps à Boyle, jusqu’en 1919, en convalescence de ses blessures de guerre. Il manifesta tôt un intérêt marqué pour la culture musicale traditionnelle (folksongs) de sa région natale du Norfolk, qui s’accentua au contact des traditions irlandaises. Des œuvres comme le Trio de jeunesse et la Sonate pour violon en portent la trace. Le style de Moeran s’inscrit dans la tradition lyrique de Delius, Vaughan Williams, et Ireland.

La Sonate pour violon et piano en mi mineur témoigne de l’influence d’Ireland, dans la structure générale comme dans la couleur harmonique ou certaines figures pianistiques. Elle déploie un lyrisme sombre et dramatique, et se conclut sur un Vivace e molto ritmico d’une très grande beauté, où passe l’ombre de Ravel. C’est aussi le compositeur français qui marque de son empreinte le Trio du Britannique, six années après que le Français bouleversa le paysage de ce genre musical avec son propre Trio de 1914. Le thème introductif de l’Allegro est absolument ravélien ! Autre moment marquant, le second mouvement, qui s’ouvre sur un récit du violoncelle aux forts accents irlandais, et au cours duquel, plus tard, le violon et le violoncelle se lancent dans un dialogue magnifique et plein de tendresse. Œuvre de grande envergure, cette Sonate pour deux violons : à l’époque de sa composition, le répertoire pour deux violons était peu étendu, et c’est un bonheur de découvrir un ouvrage aussi adroitement écrit, d’une si belle variété de timbres et de textures. © Pierre-Yves Lascar/Qobuz