Drones personnels

Chronique

La voix est parfois noyée parce qu’elle semble plonger directement et instinctivement dans la musique, et il faut comme reprendre son souffle avant de la percevoir et se laisser emmener. C’est parce que Babx n’est pas un simple chanteur, c’est un musicien de l’âme. Ses chansons, ses textes sont des ponts jetés sur ses envies, ses attentes, ses angoisses et ses espérances. Cela saute aux oreilles dans un titre comme «  J’attends les E.T . », qu’en d’autres temps et sous d’autres cieux, on aurait aisément traité de parenthèse psychédélique. Pour tenter de cerner de quoi l’on parle, disons que l’on entre ici dans un univers très particulier où l’on chante en français mais dans lequel on délire volontiers et l’on s’amuse beaucoup, influences anglo-saxonnes sans doute.

Babx, de son vrai nom David Babin, semble s’être complètement émancipé, comme si ses récentes collaborations avec Camélia Jordana et L l’avait libéré d’un double poids, celui de la tradition chanson et celui du politiquement correct. Drones Personnels, son troisième album, est une large fresque peinte en plusieurs dimensions dont les sentiments s’alternent et parfois se confondent. Il y a cette envie d’émancipation avec « Tchador Woman », dédié à Manal Al-Sharif, cette femme qui un jour osa conduire elle-même sa voiture. Un crime en Arabie Saoudite, pour lequel elle fut bien évidemment jetée en prison, donnant ainsi un top départ au Printemps arabe.

Puis il y a ce voyage immobile intitulé « 2012 », qui s’amuse des prophéties de fin du monde prédites il y a quelques centaines d’années par les mayas, cette plage prend l'auditeur par la main pour un voyage complètement onirique, dans un pays imaginaire, situé quelque part entre l'Amérique centrale et l'Inde (la construction s’affaire autour d’une sorte de rythmique aussi minimale qu’obsédante).

« Naomie aime » aurait sans doute beaucoup séduit Gainsbourg, à cause de ce jeu sur les sonorités qui transforme cette jolie ballade en ritournelle presque sixties, l’une des seules d’ailleurs dans laquelle la voix de l’artiste se pare de ses plus beaux atours pour séduire complètement, avant cette fin délicieuse et survoltée. C’est l’un des rares héros que l’on pourrait citer car Babx semble avoir enfin réussi à s’affranchir des ses modèles.

Il n’y a plus de présence invisible voire inconsciente mais au contraire une conscience d’être seul devant le mur. Oui, à un moment, il faut absolument le franchir si l’on veut être un homme. Opération réussie. « Despote paranoïa » est un exercice rare de prise de conscience de cette folie qui s’empare de quelqu'un. C’est très symbolique mais pas du tout ridicule, encore moins surjoué façon comédie musicale, simplement réussi. Il y a enfin ce duo avec Camélia Jordana, « Je ne t’ai jamais aimé », symbole d’une non-chanson d’amour. Babx serait-il devenu adulte ? Il semble bien, il est en tout cas entré de plein pieds dans l’âge de déraison.

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