Blue Moon Swamp

Chronique

En toute logique, cette année-là, John Fogerty aurait dû être lessivé. Terminé. Après une ribambelle de procès où on lui explique ce qu’il ne doit pas chanter (ses propres chansons, en l’occurrence), puis comment il ne doit pas chanter (c’est à dire s’aliéner grosso modo son propre style), on ne lui en aurait même pas voulu de rester enfermé dans sa cabane de l’Oregon, ou de n’importe où ailleurs.

Or, à quoi a t’on droit, en lieu et place ? Après dix années de mutisme, où il a eu le plus grand mal, selon son propre aveu, à s’approcher même de sa guitare, il déboule, à moitié immergé sur la photo de pochette (gag), et c’est exactement comme avant ! C’est à dire que ce type donne le sentiment de s‘essuyer les bottes, retrousser ses manches, brancher sa prise jack, et de chanter, et puis voilà (on n’est pas en coulisses, et on ne veut pas savoir). Les douze chansons qu’il nous offre sont naturelles, sans colorants, nourries des racines de la tradition, et – surtout – spontanées. Car Blue Moon Swamp ne permet pas de visiter un quelconque écomusée du blues, du rock, du rock’n’roll, ou de la country.

Cet album offre bien au contraire un talent naturel, à l’état pur, déroulant ses pépites sans urgence, dans l’atmosphère décontractée que traversent les génies qui n’éprouvent pas systématiquement le besoin de l’esbroufe. Avec une morale induite : dans cinquante ans, on aura tout oublié du type du label Fantasy qui aura toutes ces années pourri l’existence de Fogerty. Mais on n’aura pas oublié cet album. Précisons que parmi les artisans de l’œuvre, figurent Chester Thompson (il a tapé sur la batterie pour Frank Zappa, ou Weather Report) ou Donald « Duck » Dunn, historique batteur de Booker T. & the MG’s, et, donc, d’Otis Redding.

Après une sympathique carrière dans les classements de ventes d’albums, Blue Moon Swamp se verra gratifié du Grammy Award de « Meilleur album rock de l’année ».  



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