Shostakovich: String Quartets No. 3 & No. 8

Chronique

Technique sans faille, équilibre impeccable, sonorité d’une clarté lumineuse, d’une suprême élégance et d’une grande finesse. Voilà ce que nous attendons des enregistrements du Novus Quartet, ancien lauréat du concours Mozart de Salzbourg formé en 2007 à la Korean National University of the Arts. Les deux quatuors à cordes de Chostakovitch choisis pour leur premier enregistrement depuis 2019 ont d’ailleurs tout pour mettre ces atouts en valeur.

L’Allegretto liminaire du Troisième en fa majeur en offre un parfait exemple. Proche de l’esprit du Marché de Limoges des Tableaux d’une exposition de Moussorgski, il « saute » avec un fabuleux rebond fait d’insouciance croustillante, de textures fraîches, et conserve sa gaieté même là où il serait facile de laisser le mordant sarcastique de Chostakovitch prendre le dessus. Pour ce qui est des qualités susmentionnées, il suffit d’écouter les échanges entre les violons au milieu du Moderato final ou la douceur et la finesse de la reprise du thème par le primarius.

La douleur déchirante et l’ironie mordante font pourtant aussi partie de l’univers de Chostakovitch, point sur lequel ces lectures n’offrent qu’une satisfaction mitigée. Si l’on s’en tient au n° 3 écrit en 1945 pour dépeindre à la fois les joies et les peines du peuple russe, son final étouffé et désespéré s'exprime ici comme un murmure de fragilité à vous briser le cœur. Plus tôt, cependant, alors que l’Allegro moderato impressionne par sa netteté et son piquant, il manque un peu de l’âpreté que certains auditeurs attendront d’un mouvement évoquant la dureté de la vie quotidienne dans l'une des périodes les plus sombres de l'histoire de la Russie.

Vient ensuite le Quatuor n° 8 en ut mineur, truffé d’autocitations et célèbre pour avoir été écrit en trois jours de 1960, alors que Chostakovitch visitait les ruines bombardées de Dresde – l’œuvre est dédié aux « victimes du fascisme et de la guerre ». Si la colère lancinante de son Allegro molto compense un certain manque de violence, l’Allegretto et le Largo semblent un peu trop parfaits pour vraiment faire mouche. Ceci dit, impossible de ne pas admirer la finesse et la beauté que les Novus mettent ici. Force est d’ailleurs de constater que, pour qui considère que les lignes douloureuses de Chostakovitch n’ont pas besoin d’être brutalement tordues, et pour ceux qui ont envie de timbres plus légers et transparents que les sombres et lourdes sonorités russes, cet enregistrement offre une alternative d’une rare élégance. © Charlotte Gardner/Qobuz