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Johann Sebastian Bach

Dans l'esprit de tant d'auditeurs moins avertis, et même chez beaucoup de mélomanes, Johann Sebastian Bach est un austère musicien baroque du fin fond de la sombre Allemagne, écrivant d'absconses partitions qu'il est de bon ton d'admirer tout en les gardant soigneusement à distance, et dont l'enseignement a, certes, été fondateur pour tous les musiciens qui l'ont suivi mais on préfère ne l'écouter qu'au compte-gouttes, et encore, seulement une demi-douzaine d'oeuvres rabâchées sans se préoccuper des quelque mille autres ouvrages qu'il a écrits. Quelle injustice ! Bach est avant tout un musicien de lumière, de joie, de tristesse, de profondeur et d'éclat, le compositeur de tous les contrastes, mais force est de constater que beaucoup d'interprètes le jouent comme si c'était un ennuyeux pensum quasiment religieux né de l'esprit d'un barbon. Certes, comme tout musicien d'église de son époque, il passa un temps fou à composer, à enseigner et à accompagner les cultes de ses compositions, mais Bach a été jeune lui aussi et les registres de l'époque le montrent comme un frondeur, un insoumis - un mois de cachot pour insubordination -, et un indépendant qui dut toute sa vie batailler contre l'imbécillité administrative pour faire valoir ses droits et imposer sa musique. Ajoutez à cela qu'il trouva quand même le temps de faire quelque vingt enfants à ses deux épouses (la première, sa cousine Maria-Barbara dont il sera veuf et Anna Magdalena), d'en enterrer la majorité, d'élever les survivants ; de voyager de poste médiocre en poste minable avant de s'installer définitivement à Leipzig (où les autorités l'avaient engagé « à défaut de mieux », immortalisant ainsi leur bêtise dans les annales de la ville), de courir les orgues de la région qu'on lui demandait d'évaluer - et l'on sait combien il était long et difficile de se déplacer en cette époque. Bref, une vie intensément remplie, certes, mais d'une majeure partie de corvées sans grand intérêt. On se demande quand il trouva le temps de composer ses quelque mille oeuvres au catalogue, et encore, bon nombre en ont été perdues.



On glissera rapidement sur les repères biographiques, disponibles absolument partout ; Bach est né à Eisenach en Thuringe, au coeur de l'Allemagne, en 1685, l'année de la révocation de l'Edit de Nantes par Louis XIV, l'année aussi de la naissance de Haendel, de Scarlatti et de Jean-Marie Farina, le créateur de l'Eau de Cologne. Très jeune déjà, il a la passion d'apprendre. Après ses études (virtuose de plusieurs instruments, le violon et l'alto, mais surtout le clavecin et l'orgue), il alterne les postes d'organiste, de violoniste et de musicien-à-tout-faire, dans de petites villes de Thuringe et de Saxe : Arnstadt, Köthen, Weimar, Mühlhausen, avant d'être engagé en 1723 comme Kantor de l'église Saint-Thomas de Leipzig, un assez grand centre musical européen à l'époque, et où il restera jusqu'à sa mort en 1750. Parmi ses attributions : écrire au kilomètre de la musique pour les cultes dominicaux, en particulier les cantates dont quelque deux cents nous sont parvenues, composer la musique de circonstance pour toutes les célébrations officielles (anniversaire royal, mariage princier, deuil municipal, intronisation margraviale, baptême ducal, naissance grand-ducal, rototo archiducal.), enseigner à des élèves généralement nuls, mener le choeur constitué de bric et de broc et l'orchestre de brac et de bruc. Parmi les taches qu'il dut prendre en charge aussi, bien qu'elles n'appartinssent pas à ses attributions : retaper son logement de fonction humide, infesté de rats et de vermine, inchauffable, insalubre, une sinistre ruine ; se débattre dans les labyrinthes kafkaïens d'une administration tatillonne et crétine, jouer de l'orgue. Il lui restait un peu de temps pour lui pour faire le boeuf, les vendredi soir, au café du coin, entre amis et autour d'une bonne chopine. Tout ça pour un salaire annuel de 180 florins, 800 kilos de blé, 500 kilos d'orge, 16 stères de bois et 1920 litres de bière soit cinq litres par jour.



À cette époque, les employeurs exigeaient pour l'Eglise et les occasions officielles de la musique contemporaine, ni austère ni complexe, loin du contrepoint moisi germanique des générations précédentes ; donc de la musique à l'italienne, d'un style nouveau, léger et galant, dans le sillage de Vivaldi, Corelli ou Tartini. On reprocha à Bach d'écrire des pièces trop complexes, ce qui n'est pas faux ; mais cette complexité n'est qu'une sorte de cahier des charges que Bach se fixe à lui-même, une recherche de la qualité la plus parfaite, alors que sa musique semble toujours naturelle, évidente et belle. Et il emprunta souvent au style italien qu'il appréciait comme tout le monde. Il avait d'ailleurs une profonde connaissance des cultures musicales européennes. Comme il lui était matériellement impossible d'écrire tant de musique dans le peu de temps qui lui était imparti, il dut recourir, comme tous ses contemporains, au recyclage. Il ressortait ses pièces anciennes, les agrémentait de nouveaux textes, les retouchait selon les besoins, et vogue la galère. Parmi ses quelque mille oeuvres répertoriées, on compte 240 cantates sacrées et profanes (ces dernières parfois farceuses, comiques ou paysannes), de nombreuses pièces religieuses de grande ampleur comme des messes et les Passions (en quelque sorte des opéras bibliques d'après les Evangiles), des dizaines de pièces pour le clavecin (Bach connut aussi les premiers pianos vers la fin de sa vie) souvent d'essence didactique, même si elles empruntent volontiers aux genres dansants de l'époque - histoire de rendre l'exercice plus attrayant : ce sont les Préludes et fugues du Clavier bien tempéré, les Suites anglaises ou françaises, les Partitas -, autant d'oeuvres pour orgue généralement destinées au service divin, des monceaux de concertos pour divers instruments (certains ont été recyclés d'après d'autres compositeurs dont Vivaldi), et des ouvrages pour orchestre comme les Concertos brandebourgeois.



À la fin de sa vie, Bach s'attela à deux immenses testaments musicaux : L'Offrande musicale et L'Art de la fugue. L'Offrande a été écrite à la suite d'une visite du vieux Bach chez le roi de Prusse, Frédéric II (celui qui invita également Voltaire), qui lui avait soumis un thème de son cru assez compliqué (le roi se piquait de composer) pour que Bach puisse en tirer une série de canons sous forme de rébus, des rébus d'une folie telle que l'on n'est pas même certain de nos jours d'avoir trouvé toutes les clefs. L'Art de la fugue est un ouvrage énigmatique, conçu pour aucun instrument en particulier (on peut le jouer au clavier ou le confier à un ensemble instrumental), qui représente la somme absolue de toutes les idées possibles autour de cette forme musicale ultra-complexe qu'est la fugue. Bach est mort à Leipzig le 28 juillet 1750 (six ans avant la naissance de Mozart) avant d'avoir achevé son ouvrage, juste au moment où il introduisait dans une fugue le thème de son propre nom sous forme musicale : les notes si bémol, la, do, si bécarre, correspondant aux lettres B-A-C-H selon le nom allemand des notes. Si Bach s'était appelé Jean-Sébastien Chagechagecha, ça aurait donné le thème de La vie en rose.



MT © Qobuz 01/2013

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