Debussy: Nocturnes - Respighi: Pini di Roma (Remastered)

Chronique

Dans le domaine des rééditions, 2021 sera la grande année Eugene Ormandy. Pour la première fois, Sony Classical met à disposition des mélomanes l'intégralité des enregistrements monophoniques du grand chef hongrois, grand patron du Philadelphia Orchestra pendant plus de quatre décennies : des gravures jamais rééditées depuis leur première parution dans les années 1940 ou 1950. Une entreprise à saluer tout particulièrement dans la mesure où elle nous permet de redécouvrir une facette oubliée de l’art du chef, ce mélange singulier de spontanéité, de pugnacité rythmique et de plénitude sonore.

À partir de la stéréophonie, cette esthétique s’est progressivement évanouie, au profit d’une luxuriance sonore de plus en plus univoque. Dans les années 1950 surtout, pour la Columbia, les interprétations d’Eugene Ormandy présentent un visage qui sonne « moderne », où l’irrépressible énergie de la direction s’équilibre idéalement aux phrasés intensément lyriques des musiciens en plus de se conjuguer ici au son grandiose, luxuriant et pourtant aéré qu’avait développé le Hongrois avec le Philadelphia Orchestra depuis les années 1930.

Evidemment, les Sibelius des années 1951-1955 (Légendes, Symphonies Nos. 4 et 5, une anthologie des grands poèmes symphoniques) restent - au rayon Sibelius - parmi les gravures les plus essentielles du XXe siècle ; elles n'ont rien à voir avec les « remake » des années 1960 et encore moins les RCA (somptueux) des années 1970. La 2è Symphonie, du même lot de rééditions de cette semaine (tapez "mtjygo660wwsa" dans le moteur de recherche Qobuz), date même de 1949 : bien que très équilibrée, elle reste encore un rien timorée en regard des gravures plus tardives pré-citées, sans atteindre à l’accomplissement de la gravure RCA en 1950 de Serge Koussevitzky à Boston. Mais le premier mouvement de cette Seconde est pourtant riche de contrastes, les cordes y sont souvent saisissantes, de souplesse et de souffle, les phrasés sont réellement expressifs (les pizzicatos au début du Tempo - Andante, ma rubato…), le caractère profondément organique de l’esthétique sibélienne dessiné avec un naturel désarmant.

Moins connues, les premières gravures d’Ormandy dans la musique impressionniste française ou italienne : il vous faudra par exemple écouter ce bref album de 1948 couplant les deux premiers Nocturnes de Debussy et les Pini di Roma de Respighi, où vous pourrez aisément succomber à la puissance sensorielle de la direction (le chant dans les cordes graves, dans Pini presso una catacomba).

Bref, ces rééditions sont une aubaine. N’hésitez pas à chercher et écouter les autres rééditions de ce legs inspirant, vous les trouverez progressivement sur Qobuz à la page « Eugene Ormandy », en triant par date de sortie, au fur et à mesure de leur parution au cours des mois à venir. © Pierre-Yves Lascar/Qobuz