Hector Berlioz
C’est peu dire que le visionnaire Berlioz n’a pas été prophète en son pays tant il fut controversé en France alors qu’il était admiré en Allemagne, Angleterre, Europe centrale et Russie. Le milieu musical français, figé dans sa vision académique, n’a pas su voir toute l’inventivité rythmique, mélodique et instrumentale, la variété des timbres et leur alliage inédit, qui valurent plus tard à Berlioz le surnom de « créateur de l’orchestre moderne ». Au contraire, il disait de ses hardiesses qu’elles étaient des fautes. La France aura été très probablement le dernier pays à reconnaître et apprécier la puissance de son génie et l'innovation qu'il représentait.
Fils de médecin, Hector Berlioz, né le 11 décembre 1803 à La Côte Saint-André dans le Dauphiné et mort le 8 mars 1869 à Paris, grandit dans une famille pétrie d’humanisme. Le jeune Hector exerça très tôt son jugement, nourri qu’il fut de Virgile et de La Fontaine par son père qui se chargea de son éducation — pas seulement littéraire mais aussi musicale : outre les rudiments de la musique, il apprend à jouer du flageolet et de la flûte. Les dons musicaux de son fils incitent Louis Berlioz à embaucher un maître de musique tout en prenant soin de mettre des limites : il n’aura pas de cours de piano qui pourraient le détourner de ses études. En 1821, une fois bachelier, Berlioz est inscrit à la Faculté de médecine de Paris pour suivre le modèle paternel. Mais dans la capitale, il découvre Gluck et comprend que sa vraie vocation est celle de musicien. Avec boulimie, il apprend tout ce qu’il ignore de la musique, soutenu par Jean-François Lesueur qui, ébloui par son talent, le prend dans sa classe de composition au Conservatoire de Paris. Ce qui n’est pas du goût de ses parents qui, périodiquement, lui suppriment sa pension en espérant le faire changer d’avis. Mais il n’y aura pas de retour en arrière.
En 1828 Berlioz découvre Beethoven, Shakespeare, Goethe et l’actrice irlandaise Harriet Smithson… Puis en 1830 l’horizon s’éclaire : après quatre échecs, il obtient enfin le Prix de Rome avec la Cantate « Sardanapale » et se révèle musicalement avec la Symphonie fantastique qui lui vaut le succès du public emporté par ce « drame musical » où plane l’ombre de Goethe et où perce aussi la passion brûlante que lui inspire sa blonde Irlandaise bien-aimée qu’il appelle Henriette et qu’il épousera en octobre 1833 — union qui se révèlera par la suite mal assortie. Bien qu’écrite par un compositeur qui se considérait « classique » à l’image de Beethoven, Gluck et Weber, cette symphonie deviendra pourtant le manifeste du romantisme musical français dont Berlioz est la gloire.
Si ses opéras n’eurent de son vivant qu’une destinée précaire, c’est surtout à l’étranger que ses grandes œuvres de musique sacrée (Requiem, Te Deum, L’Enfance du Christ), et ses autres compositions symphoniques (Lelio ou le Retour à la vie, Harold en Italie, Roméo et Juliette, Symphonie funèbre et triomphale) reçurent un bon accueil. Après le triomphe passager du Requiem (1837), les échecs se succèdent dont celui de son opéra Benvenuto Cellini (1838) qui le laisse dans une situation financière difficile. Une embellie viendra plus tard avec le succès de la symphonie dramatique Roméo et Juliette (1839) et de La Damnation de Faust (1846), ouvrages très chaleureusement accueillis en Allemagne et en Russie. Cependant, avant de quitter ce monde, Berlioz gardera une grande amertume de son dernier échec, celui de son opéra Les Troyens (1856-1863), joyau de l’art lyrique français qu’il n’aura jamais pu faire jouer dans son intégralité.
Le portrait de Berlioz ne serait pas complet sans ajouter qu’il fut un éblouissant polémiste comme le dévoilent certains de ses écrits — Les Soirées de l’orchestre, Les Grotesques de la musique —, un critique musical des plus pénétrant, et un librettiste de grand talent attesté par l’opéra-comique Béatrice et Bénédict, petit chef-d’œuvre de grâce ironique. Le génial orchestrateur a aussi laissé un Traité d’instrumentation et d’orchestration qui eut une influence considérable sur les générations suivantes.
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