Si tu voyais son cœur (Bande originale du film)

Chronique

Gabriel Yared est certes un vétéran de la musique de film qui a l’habitude de travailler pour de grosses productions hollywoodiennes (souvenons-nous de son Oscar pour Le Patient anglais en 1996), mais ça ne l’empêche pas de collaborer à l’occasion avec de jeunes réalisateurs, à qui il peut transmettre tout son savoir-faire et son talent. Depuis 2013, il est notamment devenu le compositeur attitré de Xavier Dolan, l’enfant prodige du cinéma québécois (Tom à la ferme, Juste la fin du monde, The death and life of John F. Donovan). Et en ce début d’année 2018, il signe la BO d’un premier film français signé Joan Chemla, qui met en scène la star mexicaine Gael Garcia Bernal, ainsi que Marine Vacth, la révélation de Jeune et jolie de François Ozon. Même si c’est la jeunesse qui semble porter ce film, celui-ci n’emprunte pas pour autant les chemins de l’énergie et de l’ivresse, comme c’est souvent le cas pour nombre de premières œuvres. Si tu voyais son cœur joue au contraire avec les silences qui entourent l’hôtel miteux dans lequel le héros vient s’échouer. Pour autant, le rôle de Gabriel Yared n’est pas de meubler ces longs passages sans dialogues, mais plutôt de distiller quelques notes de manière parcimonieuse. Et il va même jusqu’à prendre le contrepoint de la construction alambiquée du film en choisissant la carte du dépouillement orchestral. Entouré de huit musiciens, Yared tente de traduire musicalement la pureté inhérente aux images et au jeu des acteurs, grâce notamment à des harmoniques de cordes (Comme des frères) et à un piano interprétant des mélodies d’une douceur démesurée (En amour, Les sentiments). A l’occasion, le compositeur emploie également des bois exotiques (Il faut pas) ou bien une voix féminine éthérée (Daniel seul), chargés de diffuser un certain mystère accentuant l’opacité des personnages. © NM/Qobuz