Shimkus plays Shimkus

Chronique

Figure encore trop peu connue en Europe de l’Ouest, Vestard Shimkus est peut-être l’une des personnalités les plus complètes du piano d’aujourd’hui. Improvisateur prodigieux, compositeur au vrai monde poétique, où les influences se confrontent avant de créer un style de nature contemplative ancré dans les grands espaces de la nature balte devant laquelle le Letton s’émerveille au jour le jour, et bien sûr pianiste fabuleux qui aura su au fil des années sculpter une sonorité comme façonnée par l’air, où rayonnent magistralement les harmoniques, dans un mélange énigmatique de légèreté et d’élégance : le monde sonore (intérieur) de Vestard l’aura conduit à construire un jeu de piano répondant totalement à ses aspirations en tant que compositeur.

À cet égard, la quatrième pièce de son beau cycle Dreamscapes, Floating Stars, qui rappelle directement certains moments de sa sonate pour piano (Light Years Away, Artalinna, 2021) ou le début du présent Concerto No. 1, est une merveille. Vestard Shimkus veut y tutoyer les étoiles, et dans son piano, impossible de déceler la moindre ingratitude due à un marteau – il n’y en a tout simplement plus. On flotte littéralement, tourneboulé au sein d’une capsule jetée dans l’atmosphère. Impression marquante. Il peut y avoir aussi chez lui de puissantes et torrentielles échappées (Reality – Bullets) ; l’instrument y capture d’autres couleurs, avec toujours cette assise stupéfiante dans le rythme et dans les fondements de la polyphonie.

Trois œuvres sont réunies sur cet album publié par l’excellent label Skani, le Concerto No. 1, les Dreamscapes que le pianiste associe régulièrement aux neuf chorals de Bach arrangés par Busoni, et le plus bref et pourtant empli d’atmosphères (parfois orientalisantes) Gates of Destiny. Vous y découvrirez toujours un univers mélodieux, expressif, plutôt mélancolique et narratif. Guère étonnant que le Letton écrive régulièrement, aujourd'hui, pour l'écran. © Pierre-Yves Lascar/Qobuz