Bruckner: Symphony No. 3 (First Version, 1873)

Chronique

Anton Bruckner a passé une grande partie de sa vie à massacrer ses propres partitions, doutant sans cesse de son travail sous l’influence d’amis pas toujours bien attentionnés qui ne comprenaient pas l’originalité de son génie singulier. Ses symphonies subiront ainsi des corrections plus ou moins radicales : suppressions, arrangements, substitutions de toutes sortes, posant des problèmes souvent insolubles aux chefs d’orchestre devant choisir entre une version ou une autre, parfois avec des différences notables, voire des mouvements entièrement réécrits. Ce nouvel enregistrement de François-Xavier Roth à la tête de l’excellent Orchestre du Gürzenich de Cologne, nous offre la version originale de la Symphonies N° 3, en ré mineur, débarrassée de toutes ses mutilations. Grand admirateur de Wagner jusqu’à la dévotion, Anton Bruckner l’avait dédiée à son idole en l’émaillant de nombreuses citations wagnériennes. C’est la version envoyée à Bayreuth à son dédicataire en 1873, oubliée pendant plus de cinquante ans, qui a servi à la publication de Leopold Nowak, mise une dernière fois au net et proprement imprimée en 1977 seulement, qui a été choisie pour cet enregistrement réalisé à la Philharmonie de Cologne en 2022. Elle apparaîtra peut-être plus décousue aux mélomanes connaissant les éditions ultérieures et prouvera, au contraire, sa grande originalité à celles et ceux qui la découvriront sous la baguette de François-Xavier Roth qui en donne une vision dépourvue de pathos et de monumentalité. On comprendra dès lors pourquoi un adolescent de 17 ans fut subjugué à la création de l’œuvre en dépit d’une exécution proprement catastrophique. Toute sa vie, il en gardera le souvenir dans ses propres symphonies. Il s’appelait... Gustav Mahler ! ©François Hudry/QOBUZ/2023.