Vierne : Spleens et Détresses & Piano Quintet

Chronique

Sans nul doute, Louis Vierne fait-il partie de ces humains sur lesquels s’acharne le sort. Né presque aveugle, trahi de toutes parts, de santé frêle, ses deux fils morts l’un de maladie, l’autre à la guerre en 1917, son frère atomisé par un obus lors de la même guerre… on comprendra aisément que sa musique puisse parfois démontrer un certain spleen. Cet album tourne autour de deux chefs-d’œuvre : le sombre cycle de mélodies Spleens et détresse (tout un programme !) de 1917, écrit peu avant d’apprendre la mort de son fils, et le déchirant Quintette avec piano composé peu de temps après avoir reçu la terrible nouvelle. « J’édifie en ex-voto un quintette de vastes proportions dans lequel circulera largement le souffle de ma tendresse et la tragique destinée de mon enfant. Je mènerai cette œuvre à bout avec une énergie aussi farouche et furieuse que ma douleur est terrible, et je ferai quelque chose de puissant, de grandiose et de fort, qui remuera au fond du cœur des pères les fibres les plus profondes de l’amour d’un fils mort… Moi, le dernier de mon nom, je l’enterrerai dans un rugissement de tonnerre et non dans un bêlement plaintif de mouton résigné et béat », écrivit-il à un ami, et en effet ce Quintette est un effrayant mugissement de révolte d’une insondable profondeur. La pianiste Muza Rubackyté, le Quatuor Terpsycordes, la mezzo-soprano Anaïk Morel pour Spleens et détresse, nous proposent ces deux monuments, pivots dans la vie et l’œuvre de Vierne. © SM/Qobuz

« [...] Les mélodies de Vierne [...] requièrent une voix solidement charpentée telle celle de Mireille Delunsch (Timpani). Celle d'Anaïk Morel, aux superbes couleurs graves, est également convaincante même si sa diction pourrait s'améliorer. La grandiose Muza Rubackyté, qui nous a déjà donné une admirable anthologie pianistique de Vierne trouve le ton juste, puissant, âpre mais aussi nuancé. On la retrouve aux côtés du Quatuor Terpsycordes dans le quintette. Quelques versions tenaient lieu de référence ; il faudra leur ajouter celle-ci, portée par des interprètes capables de relancer sans cesse l'intérêt et la narration dans un parcours dense et complexe.» (Classica, juillet 2016 / Jacques Bonnaure)