Schubert: Unfinished and Great Symphony

Chronique

Après les passionnantes versions récentes de Heinz Holliger et d’Herbert Blomstedt dans des options pourtant radicalement différentes, voici que René Jacobs complète son intégrale symphonique de Schubert amorcée en 2020 en enregistrant à son tour la Symphonie « Inachevée » et la « Grande » Symphonie en ut majeur à la tête du B’Rock Orchestra fondé à Gand en 2005 dont la mission est d’apporter un nouveau souffle dans l’univers très encombré de la musique ancienne historiquement renseignée. Ouverture d’esprit, flexibilité, interdisciplinarité sont les mots d’ordre de cet ensemble international sans chef régulier qui fait appel à des chefs d’orchestre et à des solistes reconnus au niveau international.

Chercheur inlassable, René Jacobs est persuadé que la Symphonie en si mineur n’est pas inachevée, mais qu’elle a été délibérément conçue en deux mouvements par Schubert, en analogie avec Mein Traum (« Mon rêve »), une confession en deux parties écrite en 1822 par le compositeur dans laquelle il s’exprime douloureusement sur ses relations conflictuelles avec son père et sur la mort de sa mère. Jacobs a choisi, de manière un peu incongrue, de faire lire (par l’acteur autrichien Tobias Moretti) les deux parties de ce texte avant chaque mouvement. Comme pour les albums précédents, René Jacobs se livre en outre à une analyse d’une quarantaine de pages extrêmement fouillée et savante, et pour tout dire un brin fastidieuse, des deux partitions – une présentation uniquement réservée aux seuls anglophones et germanophones.

L’interprétation musicale quant à elle est fidèle au très petit effectif de chambre des enregistrements précédents. Assez déroutante au début de l’écoute, cette version a l’avantage de faire entendre la qualité exceptionnelle de chaque pupitre et de rendre lisibles toutes les voix, dans une conception d’ensemble sans rupture de style avec les autres symphonies composées par ce jeune homme hyper sensible, malheureux, fraternel et grave. © François Hudry/Qobuz