Deep Cuts

Chronique

Presque plus célèbre ici (la France a toujours eu énormément de tendresse pour le créateur de « Polk Salad Annie », immortalisé par Elvis Presley) que dans son pays d’origine (l’Amérique puritaine n’a généralement que peu de tendresse pour ce qui sent la boue et le sexe), Tony Joe White tente de donner un coup de jeune (sans doute en souvenir ému, et rémunérateur, du hold-up réalisé conjointement avec Tina Turner grâce à l’album Foreign Affairs, en 1990) à son swamp rock (rock des marécages), qui n’en demandait pas autant.

Agrémentant classiques (« Willy and Laura Mae Jones », « High Sheriff (of Calhoun Parrish) », « Soul Francisco ») et nouvelles compositions de quelques loops électroniques et autres beats synthétiques ou samples modernistes, il échoue lamentablement. Car le Louisianais, ici ou ailleurs, ne sera rien d’autre qu’un homme des bois et de la nature sauvage, chantre des sentiments désespérés et des personnages de légende.

White chante comme il éructe ou marmonne, avec la conviction obstinée du rural arc-bouté sur ses racines. Et il compose comme on écrit une saga de trois minutes, conservant l’essentiel de ce qui fait la grandeur des westerns de John Ford ou des nouvelles d’Ernest Hemingway. Il y a quelque chose de pitoyable dans la tentative (mais après tout, c’est le chanteur en personne qui produit), de penser qu’en adjoignant quelques machineries on offrira un semblant de modernité à une œuvre qui n’a nul besoin de ravalement. Et il y a quelque chose de triomphant dans l’art du chanteur, démontrant par la force de son inspiration, qu’il sait résister à toute tentative de lifting. Egal à lui-même et dans ses portraits, mélodies, et interprétations, immortel. Pour toutes ces raisons, Deep Cuts reste un excellent disque.

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