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Bachar Mar-Khalifé

Bachar Mar-Khalifé est un homme libre. Ce n'est pas un état de fait, c'est une manière d'être. A l'époque des revendications identitaires, quand les états civils valent états de services, il n'a de cesse de secouer les registres pour faire valser les étiquettes. Tout d'abord il insiste : être né dans un Liban en guerre n'autorise pas de se réclamer du martyre pour se faire valoir. Pourtant, comme toute une génération de libanais, et plus largement au Moyen-Orient, la guerre l'habite. Mais elle ne se dit pas si facilement. Raison pour laquelle en France, le pays ami où sa famille a trouvé refuge alors qu'il avait six ans, il ressent une empathie avec le silence que portent ceux qui connurent la guerre. Les deux sempiternelles cases, résistance ou collaboration, ne suffisent pas. Qu'on ne juge pas si vite, il n'y a pas d'héroïsme.

En 1989, arrivée en France pour quelques mois, la famille Khalifé y reste. Pour Bachar : école et conservatoire ; puis ses parents rentrent au pays, lui non. Avec son frère Rami (fondateur du projet Aufgang avec Francesco Tristano, aussi sur InFiné), ils suivent des cours de piano avec un professeur particulier. Pendant que l'un joue, l'autre dessine. Et comme bon sang ne saurait mentir, les deux fils de Marcel Khalifé obtiennent tous deux le prix du Conservatoire. Leur père chanteur et joueur d'oud - le luth oriental - est au Liban une légende qui suscite amour et passion. Pour s'en démarquer, ainsi que de son frère, Bachar ajoute vite à son arsenal la percussion. Il s'intéresse très tôt au répertoire traditionnel, au grand dam de Marcel qui le verrait bien chef d'orchestre. Entre percussion traditionnelle et classique, piano, direction d'orchestre, il se sent poussé au choix. Mais les différents projets qu'il mène de front ne lui en laissent pas le temps. Heureusement ! Il digère toutes ces facettes pour en devenir le dénominateur commun unique. Sur scène, il les aborde toutes avec un amour et une énergie semblables.

Bien qu'habitué tout jeune aux feux de la rampe aux côtés de son père, lorsqu'il monte seul sur scène à la Gaîté Lyrique pour son premier album, « Oil Slick », paru en 2010 chez InFiné, il se sent nu. Ce premier album, il ne l'avait pas prémédité. Mais le résultat fut tellement fidèle à ses souhaits qu'il le sortit tel quel, fièrement. Le chant était un nouveau cap à passer. Dès le second concert, il lui sembla avoir fait un bon de dix ans.

Pour son deuxième disque, Who's Gonna Get the Ball from Behind, à l'inverse du précédent, tout était prévu : les morceaux éprouvés en concert, l'exercice en solo (hormis Kid A invitée sur « Machins Choses »), son arsenal instrumental. A sa disposition : un piano, un synthétiseur, une loop station au pied droit, un pédalier basse à gauche, des percussions. et sa voix, beaucoup plus affirmée. Pas tant techniquement que par l'attention qu'elle concentre sur lui, plus que ses multiples instruments, auxquels il ne veut pas être réduit. A leur force, à celle des compositions, s'ajoute l'intensité de cette voix qu'il pousse du coeur de sa poitrine en modulations ascendantes.

Dans sa relecture de « Ya Nas », chanson traditionnelle koweitienne, Bachar chante un hymne à la liberté anarchiste. Des envies de boire, d'altérité, de chair, de transgression. Tout n'est pas qu'idéal, le monde arabe aussi a le droit à sa liberté ! Il l'a récemment revendiquée aux yeux du monde entier et Bachar adapte avec « Marea Negra » un chant de manifestation emblématique du printemps arabe. Les paroles sont celles du poète syrien Ibrahim Qashoush, qui chantait contre le régime « il est temps que tu dégages Bachar » et qui fut retrouvé mort les cordes vocales arrachées. Bachar universalise le texte et le martèle telle une marche insurrectionnelle de pianos, de basses et de percussions. Le motif de piano principal du morceau provient de « Marée Noire » sur son premier album.

Toutes ces chansons le hantent au point qu'elles semblent sortir de ses tripes, comme s'il devait s'en séparer. Comme un plaisir étroitement lié à la souffrance. Celle de se mettre à nu, de dire quelque chose, quoiqu'il arrive, être sincère avec soi-même et les autres. Quitte à échapper aux étiquettes, à ne pas savoir dans quel genre sera rangée sa musique. Qu'importe, au final « tout est percussion » ! Presque jusqu'à son patronyme, dont le Mar est une énième évocation, ironique, de sa multiplicité. Dans la région dont les Khalifé sont originaires, il y a beaucoup de saints, de « Mar ». De plus, son second prénom, comme son frère, est Marcel. Et ce préfixe arbitraire lui permet une certaine ubiquité.

Discographie

18 album(s) • Trié par Meilleures ventes

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