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Joaquín Rodrigo

Quand explose sur la scène musicale le Concierto de Aranjuez en 1939, Joaquín Rodrigo finit tout juste ses (très longues, il faut bien l'avouer) études parisiennes avec Paul Dukas et Maurice Emmanuel, et n'a à son actif qu'une poignée de pièces pour piano. Le concerto pour guitare fait un tabac immédiat et propulse Rodrigo au sommet de la gloire, un sommet dont il ne redescendra certes pas, quand bien même aucune de ses oeuvres postérieures ne connaîtra jamais la même reconnaissance universelle. Une reconnaissance telle que bien des auditeurs non avertis s'imaginent qu'ils ont affaire au Concierto pour guitare d'un certain Monsieur Aranjuez, le titre étant encore plus célèbre que le nom du compositeur. Pourtant Aranjuez n'est «que» le nom du palais royal d'Aranjuez, situé non loin de Madrid, construit entre les XVIe et XVIIIe siècles pour permettre aux souverains espagnols de s'échapper de la chaleur et de la poussière madrilène. Là, tout n'est que luxe, calme et volupté, que Rodrigo a su merveilleusement capter dans son oeuvre néobaroque, à l'orchestration délicate mais quand même bien ancrée dans le XIXe siècle - formation «Beethoven» avec clarinettes - et dans le XXe avec l'écriture résolument stravinskienne (ou falla-enne ou ravelienne, si l'on préfère) des instruments à vent, sollicités dans un registre chromatique qui n'a, certes, rien de baroque.

Mais qu'en est-il du reste de la production de Rodrigo ? Quelques repères biographiques d'abord. Né en 1901, le petit Joaquín contracte à trois ans une diphtérie qui le laissera quasiment aveugle, ce qui orientera tout naturellement son destin vers le monde des sons. Bien sûr, il devra également apprendre à maîtriser l'écriture de la musique en braille en plus du solfège, de l'harmonie, du contrepoint et de la composition. Après ses études initiales à Valence, il rejoint Paris, le phare de l'art contemporain et de toutes les avant-gardes en ce temps d'Entre-deux-guerres. À la fin de ses études parisiennes, il livre son célèbre Aranjuez au tout aussi célèbre guitariste Sainz de la Maza ; l'invraisemblable succès de ce tube lui vaut de recevoir immédiatement des commandes des plus grands solistes de son époque : le harpiste Zabaleta (Concerto sérénade), le flûtiste James Galway (Concierto pastoral), Julian Lloyd Webber (Concerto como un divertimento), le guitariste Andrés Segovia (Concierto para un gentilhombre) et le tout aussi guitariste Celedonio Romero (Concierto Andalu pour quatre guitares, que Romero jouera avec ses trois fils obstinément guitaristes de même).

Hélas, aucune autre oeuvre n'atteindra le stratosphérique niveau de célébrité du premier, Aranjuez. La raison ? Diable. le deuxième mouvement a été soigneusement pillé par le jazz (Miles Davis en tête), le rock, la publicité, le cinéma, la pire des variétés même, d'où une visibilité bien au-delà de ce dont peut bénéficier une oeuvre classique «normale». Rodrigo aurait-il là touché une corde universellement sensible ?

Le répertoire de Rodrigo, en réalité, est d'une immense diversité, même si le ton général de sa musique accepte surtout les influences ibériques ; trois douzaines de pièces concertantes en tout genre dont onze concertos, deux douzaines d'oeuvres (souvent d'inspiration religieuse) pour voix et/ou choeur et orchestre, une soixantaine de mélodies pour voix et piano, trois ballets, quatre musiques de film, une trentaine de pièces symphoniques de tous les formats imaginables, de la musique pour piano, pour instruments solistes et piano, la liste est redoutablement longue. On lui doit même une comédie lyrique, El hijo fingido de 1960. Il est à regretter que ce très prolifique compositeur soit aussi célèbre et, comparativement, aussi peu joué hormis une demi-douzaine de pièces données en boucle. À quand la redécouverte de la réelle profondeur de Rodrigo ?

À la fin d'une vie d'honneurs, de succès, de triomphes, Rodrigo est élevé au rang de Marquis des Jardins d'Aranjuez, un très humoristique clin d'oeil du roi d'Espagne à l'un de ses compatriotes les plus justement célèbres au monde (humoristique car historiquement, le marquisat était un commandement militaire d'une région frontalière, au nom duquel le marquis avait droit de lever une armée sans l'autorisation royale ; imaginez Rodrigo lever une armée de jardiniers pour protéger le parc du palais contre les hannetons !). Le marquis est mort en 1999 à Madrid, âgé de 94 ans, et repose désormais au cimetière d'Aranjuez. Une vie entière autour d'un nom !

© Qobuz 01/2013

Discographie

28 album(s) • Trié par Meilleures ventes

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