Street Songs of Love

Chronique

« Il y a toujours une frustration à évoquer un nouvel album d’Alejandro Escovedo. Frustration d’avoir à résumer les épisodes précédents de la saga de ce prince de l’americana, fin lettré texan toujours aussi confidentiel à l’aube de la soixantaine… Précurseur punk californien avec les cultissimes Nuns, parrain du cow-punk avec Rank And File, gourou du rock indé à guitares avec les True Believers, Alejandro le Grand est en solitaire un ovni de la country alternative, plus obsédé par John Cale, Iggy et Springsteen que Townes Van Zandt ou Hank Williams. Un vrai animal rock’n’roll… Heureusement, les grands, conscients du talent du songwriter dandy d’Austin, viennent régulièrement aider à l’édification de sa légende. En 2004, pour régler l’addition salée du traitement de son hépatite, rien moins que Calexico, John Cale, Steve Earle, les Jayhawks, Peter Case et Howe Gelb et quelques autres ont publié un album de reprises de ses chansons. Aujourd’hui, pour ces “Street Songs Of Love”, le Boss en personne pousse donc la chansonnette sur “Faith” et Ian Hunter piaille joliment sur “Down In The Bowery”. Comme pour “Real Animal” (2008), Tony Visconti, une autre idole d’Escovedo, s’affaire derrière la console. Idem pour Chuck Prophet et sa Telecaster tranchante lors des attentats, impressionnistes pour les ballades. Pourtant, parcourir ce nouvel album sans indice sur son auteur, laisserait croire à un honnête disque de classic rock assez pêchu, sainement dénué de jeunisme, mais sans renversante originalité. Bref, le piège pour laisser notre homme dans le no man’s land d’un certain anonymat. En tendant néanmoins l’oreille, ce nouvel album livre les saynètes violentes et chamarrées de la vie d’un ambassadeur du rock’n’roll comme on n’en fait plus. Classique, choc et chic, en quelque sorte… » (Rock & Folk, juin 2010 / Marc Zisman)