Rachmaninoff: The Isle of the Dead, Op. 29 - Vaughan Williams: Fantasia on a Theme by Thomas Tallis (2022 Remastered Version)

Chronique

Débutons une exploration détaillée du génie de Dimitri Mitropoulos, dont le legs CBS en tant que chef d'orchestre est enfin réédité dans son intégralité par Sony Classical en ce printemps 2022. La réédition de l'année – sans nul doute possible !

Dimitri Mitropoulos demeure l'une des personnalités les plus fougueuses et dionysiaques qu'ait connues le XXe siècle. Compositeur inspiré, chef de génie, il distillait aux musiciens de ses orchestres (Minneapolis de 1937 à 1949, New York Philharmonic de 1949 à 1958, sans oublier le Metropolitan Opera de 1954 à 1960, autant d'institutions marquées à vie par la personnalité hors du commun de ce Grec né à Athènes en 1896, décédé relativement jeune, à 64 ans en 1960 avant même que le monde musical ait pu définitivement le sacrer), Dimitri Mitropoulos soulève des vents violents, non loin d'un expressionnisme très moderne. Ce mini-LP, paru en 1949, rassemble deux œuvres singulièrement opposées en termes d'esthétique, L'Isle des morts de Rachmaninov et la Fantasia on a Theme by Thomas Tallis de Vaughan Williams, partitions dont les polyphonies complexes et très enchevêtrées se révèlent lumineuses sous la direction du chef grec.

La Fantasia de Vaughan Williams sort grandie de ce geste très élancé qui ne refuse pourtant jamais la suspension, ou encore de ces étagements très clairs dans la balance orchestrale qui n’exemptent pourtant pas l’œuvre de tendresse ni de lyrisme – il y a ici un ton de prière assez irrésistible. Absolument magistral. Mitropoulos ne manque aucune des tempêtes que Rachmaninov soulève dans son poème symphonique inspiré de la toile de Böcklin, L’Ile des morts, à chaque fois des moments terrifiants d'où surgit l’impression que la plaque terrestre craque. Et pourtant, le geste général reste plutôt fluide et tranquille. Quel art des contrastes. Poignant. © Pierre-Yves Lascar/Qobuz