Charles: Ives: "Concord" Sonata/Maurice Wright: Sonata

Chronique

Marc-André Hamelin s’est payé le luxe d’enregistrer la monumentalissime Sonate « Concord » de Charles Ives non pas une fois, mais deux, et de l’inscrire maintes fois à ses programmes de concert – récemment à la Philharmonie de Berlin ! C’est dire que le pianiste connaît cet invraisemblable ouvrage sur le bout de ses quelque quinze ou vingt doigts (on a peine à croire qu’il n’en utilise que dix…), et qu’il sait en extraire toute la substance que le génial Ives y a mis au cours des deux ou trois décennies qu’il a mis à l’achever et la parachever, de 1904 à 1915 pour l’écriture principale, et jusqu’en 1947 pour les dernières touches. On y trouve tout Ives : un lyrisme exacerbé, des emprunts aux idiomes les plus populaires, des avant-gardismes invraisemblables (dont un cluster qui se joue en pressant les touches avec une pièce de bois de 37,5 cm de long), des sonorités brumeuses d’une beauté irréelle, et une virtuosité quasiment délirante, qui exige bien un monstre pianistique de la trempe de Hamelin pour en maîtriser les coins et les recoins. C’est ici le premier enregistrement qu’il en réalisa, en 1988. Petite précision : Hamelin « se passe », dans les deuxième et quatrième mouvements, des parties de flûte et d’alto ad lib – qui ne jouent certes qu’une poignée de notes, mais bon, on vous l’indique quand même. En complément, la Sonate de Maurice Wright (* 1946), écrite en 1983 ; un compositeur états-unien qui connaît bien son Ives, mais aussi son Prokofiev ! La virtuosité de Hamelin fait plaisir à entendre – on dirait presque : « à voir ! » –  dans ce superbe exercice d’écriture et de pianisme. © SM/Qobuz