Sibelius: Orchestral Works (Remastered 2021)

Chronique

Un petit événement dans le monde des rééditions. Dans le cadre de leur vaste et passionnante édition dédiée à Hans Rosbaud (1895-1962), les équipes de la radio de la SWR dévoilent des interprétations totalement inédites de deux symphonies de Jean Sibelius (2è, 4è), un compositeur que le chef autrichien, qui était aussi un ardent défenseur dans les années 1950 de la modernité la plus abrupte à Donaueschingen et qui fut l’un des mentors de Pierre Boulez, ne rechigna jamais à diriger.
En 1955, Deutsche Grammophon s’était engagé dans une série d’enregistrements célébrant le quatre-vingt-dixième anniversaire du compositeur finlandais et allait publiait un LP entier d’œuvres de Sibelius où Hans Rosbaud dirigeait les Berliner Philharmoniker. Au sommet, un Tapiola étrange, moderne, princier et abrupt, à connaître impérativement.

À Baden-Baden, avec son Sudwestfunkorchester, Hans Rosbaud célébrait aussi le compositeur, et en deux soirées, les 6 et 7 décembre 1955, à la veille du jour anniversaire de Sibelius (8 décembre), il dirigeait la grande basse finlandaise Kim Borg dans trois mélodies ainsi que dans la Cinquième Symphonie. En janvier de la même année, le 7 janvier 1955, il avait défendu la Seconde Symphonie. En janvier 1961, il revient à Sibelius avec l’extraordinaire Quatrième. Hans Rosbaud est particulièrement sensible à l’architecture des œuvres, choisissant des tempos toujours justes, et fluides. À cet égard, la Seconde Symphonie pourra étonner par le tempo très modéré de son mouvement initial, et pourtant, quel bel élan jusqu’à la coda finale. La Quatrième ici proposée par la SWR est inoubliable, tant Rosbaud déploie des espaces insensés. Les tempos sont retenus, et le climat parfaitement désolé sans être démonstratif jusqu’à être assez « planant » dans Il tempo largo, avant même d’être réellement cataclysmique (Allegro final). Avec beaucoup d’à-propos et de naturel, Rosbaud laisse tout entendre des alliages de timbres rugueux (bois-cuivres), qualité finalement assez rare. Cette 4è passionnera ceux qui gardent en tête Herbert von Karajan (1965) dans cette œuvre, ils y entendront probablement une proximité dans la vision musicale.

Quelques jours avant que le public parisien n’accueille le grand chef finlandais Tauno Hannikainen pour un concert à la tête de l’Orchestre de la R.T.F, Hans Rosbaud dirigeait donc la Cinquième à Baden-Baden. Là encore, le chef autrichien se distingue par son souci du détail orchestral – les phrasés aux cordes dans l’Allegro molto – et par sa recherche continue de la singularité sonore de Sibelius, incomparable dans le paysage de la modernité musicale européenne. © Pierre-Yves Lascar/Qobuz