Scriabin: The Poem of Ecstasy, Op. 54, Prometheus, Op. 60 & Piano Sonata No. 5, Op. 53

Chronique

Composés entre 1907 et 1910, la Sonate n° 5, Op. 53, le Poème de l’extase et Prométhée s’inscrivent dans une période charnière de la vie de Scriabine. Le compositeur a depuis plusieurs années abandonné les influences romantiques de Chopin et Liszt sans avoir encore totalement trouvé l’esprit de synthèse de ses dernières compositions, entre 1913 et 1915, plus denses et ramassées. Toutefois, la période qui nous intéresse a vu naître certaines des meilleures œuvres du compositeur, notamment les deux poèmes symphoniques que sont le Poème de l’extase et Prométhée ou Poème du feu.

Le premier, forme de sonate en un seul mouvement, reste un monument de couleurs, renforcé à l’occasion par le fameux « accord synthétique » imaginé par Scriabine, qui lui permettait de moduler dans à peu près toutes les tonalités. On se souvient de la version indétrônable de Claudio Abbado (Deutsche Grammophon, 1971) ; ici, Lan Shui, à la tête de l’Orchestre symphonique de Singapour, nous séduit par la clarté de ses élans, mais surtout par le parfait équilibre qu’il parvient à imposer aux différentes parties de l’orchestre malgré la complexité de l’écriture harmonique. Chaque élément de l’effectif orchestral nous apparaît dans toute sa splendeur, surtout avec ce juste dosage des tempos.

Tout sonne de façon claire et lumineuse, couronnant les ambitions de Scriabine de composer un poème ayant pour toile de fond les jeux de réponse entre couleurs et lumière. Prométhée est présenté avec les mêmes égards pour la partition ; attention aux appuis des cuivres très généreux qui peuvent décoiffer l’auditeur dans les passages joués plus fort ! L’effet de surprise n’en reste pas moins extrêmement saisissant ; les cinq dernières minutes donnent un spectacle grandiose à couper le souffle !

Au piano, Yevgeny Sudbin délivre une prestation soignée de la Cinquième Sonate, et trouve un bon équilibre dans la gestion des retards et accelerandos. Seul bémol : une prise de son un peu resserrée qui nous fait regretter la version plus aérienne d'Horowitz. Un album de très bonne facture qui aura une fois de plus le mérite de faire redécouvrir le génie de Scriabine. © Pierre Lamy/Qobuz