Pursuance : The Coltranes

Chronique

Son nom n'est pas encore sur les affiches de festivals européens, mais cela ne saurait tarder avec ce troisième album de la saxophoniste Lakecia Benjamin, Pursuance: The Coltranes, rendant hommage non seulement à John Coltrane mais aussi à son épouse Alice Coltrane, dont la place est loin d'être négligeable tant dans l'histoire du jazz que dans cet enregistrement.

Issue de la scène new-yorkaise et passée par les meilleures écoles musicales de la ville, la musicienne d'aujourd'hui trente-huit ans est loin d'être une débutante puisqu'elle a aussi bien joué avec des pointures comme Rashied Ali, le big band de David Murray et James « Blood » Ulmer, que collaboré aux arrangements de Stevie Wonder, Macy Gray, Alicia Keys ou The Roots. Après les albums Retox (2012) et Rise Up (2018), infusés de funk, il était temps de voir son talent reconnu comme il se doit, au-delà des amateurs de jazz.

Ce recueil de treize reprises permet à Lakecia Benjamin de se recentrer vers une musique plus cérébrale et purement jazz, comme il lui offre l'occasion de déployer son héritage et sa virtuosité, ce qu'elle démontre de façon éclatante dans des pièces déjà foulées par de prestigieux aînés. Pour ce faire, la New-Yorkaise s'est entourée de ses proches collaborateurs Sharp Radway (piano), Lonnie Plaxico (basse) et Darrell Green (batterie), mais aussi de sections de cordes, vents et percussions et d'une escadrille de bassistes dont le vétéran Ron Carter, Reggie Washington, Reggie Workman, Meshell Ndegeocello et Marcus Strickland, ainsi que les vocalistes Dee Dee Bridgewater, Jazzmeia Horn et Georgie Anne Muldrow, plus Gary Bartz (saxophone), Marc Cary (claviers) et Keyon Harrold (trompette).

Ce personnel impressionnant en jette plein la vue et soutient à merveille le répertoire abordé qui n'est pas des plus faciles avec le cri puissant et évocateur de « Liberia » en duo avec Gary Bartz, une version très tendre et bucolique de la ballade « Central Park West » avec Jazzmeia Horn, une prise de chorus magnifique de quatre minutes sur « Syeeda's Song Flute », transformant l'exercice en performance avant de passer le flambeau à Keyon Harrold. Après une copie virtuose de « Spiral » suivent trois autres grands classiques que sont l'engagé « Alabama », le spirituel « Aknowledgement » et l'indémodable « Pursuance » qui donne son titre à l'ouvrage.

Ce qui rend aussi l'album riche de sens et de signification est la grande place attribuée à l'oeuvre d'Alice Coltrane, longtemps cantonnée aux passionnés de free jazz et mise récemment en meilleure exposition grâce à des rééditions. Le choix de Lakecia Benjamin s'est porté sur l'incontournable « Om Shanti », dont elle offre une vision mystique à souhait avec Georgie Anne Muldrow et Meshell Ndegeocello, et des pièces qui méritent toute l'attention comme « Prema », « Going Home », « Turiya and Ramakrishna » et le joli « Walk with Me », avant le bouquet final de « Affinity ». Ce grand projet possède un grand nombre d'atouts pour propulser la carrière de Lakecia Benjamin.
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