Les hommes sont toujours des enfants

Chronique

La partie visible de l’iceberg (près de six années de silence discographique) dissimule en fait une activité accomplie (des tournées en hommage aux racines avérées, de la musique tzigane au blues, en passant par les incunables qui ont bercé nos années transistor, Jacques Brel, Léo Ferré, George Brassens tous ensemble, de nouveau réunis comme ils le furent sur le cliché mythique de Jean-Pierre Leloir), un hommage au grand-père maternel via la pièce de théâtre Abraham, le cinéma et la télévision, et des concerts, des concerts, des concerts…

Et, donc, aujourd’hui, Michel Jonasz, talent patent, mais distant, de la chanson française revient sur nos platines. Pas seul : outre un groupe de scène rodé par les émotions publiques, il est de nouveau fait confiance (cela fait plus de dix ans que cela dure) à l’ingénieur du son Jean-Matthieu Poitevin, et à quelques invités de marque, dont le pianiste Mario Canonge qui, depuis Fort-de-France et ses appariements avec Ralph Thamar, enrichit son clavier de tous les parfums du monde. Il n’en fallait pas moins pour édifier une nouvelle pérégrination au royaume de la mélancolie, dans ce passé qui construit souvent notre présent, et construit l’avenir.

D’une exhortation œcuménique (la chanson-titre en ouverture) à divers hommages évidents (aux Beatles avec « Avant », ou à un athlète doré sur tranche, Américain privé des droits civiques, mais fabuleuse arme anti-fasciste dans « Jesse Owens »). Parfois, Jonasz se laisse aller à des déhanchements caraïbéens (« Les Bougies de secours ») ou aux plaisirs frelatés de la formule facile (que celui qui n’a jamais pêché me jette la première canne à pêche). Mais on ne l’aime jamais autant que lorsqu’il feuillette en notre compagnie l’album sépia des amours mortes (« Les Souvenirs »), ou sacrifie à un émouvant premier degré (les chants d’oiseaux dans « Mésange », où sa poésie prend de la hauteur avec ces choses du peu qui déchirent tant).

Voix intacte (un vibrato éternel, on dira) et ce piano breveté en larges nappes nostalgiques : Michel Jonasz est vivant, il va bien, et demeure éternel dans nos cœurs. Bonnes nouvelles des étoiles, donc.



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