A+E

Graham Coxon

explicite

Paru le 02/04/2012 chez Parlophone UK
Artistes principaux : Graham Coxon
Genre : Alternatif et Indé
Distinctions : 4 étoiles Rock & Folk 5/6 de Magic

Disponible en

16-Bit/44.1 kHz Stereo

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Avoir été membre actif de l’un des actes les plus vibratiles de la britpop garantit-il d’enregistrer de bons disques ? Compter désormais un huitième album solo dans sa cartouchière présage t’il d’une vraie oeuvre en élaboration ? On peut parier que l’ex-Blur Graham Coxon se soucie de ce genre d’interrogations existentielles comme d’une guigne : à ce prix (la langue tirée au concept d’immortalité, et toutes ces sortes de choses), il signe avec A + E l’un des albums les plus palpitants de la saison.

Autant alerter ex abrupto l’auditoire : les dix chansons du disque déroulent un ensemble pas propre sur lui, brut de décoffrage pour tout dire, qui fleure bon la sueur un peu âcre des studios, et ce type d’inspiration qui ne se sent confortable que dans les contours mal définis et mal dégrossis des demos. Dans une esthétique donc d’huile de vidange chaude et autres taches de graisses sur chiffons maculés, celui que Noel Gallagher considère comme le guitariste le plus doué de sa génération a assez étonnamment convié Ben Hillier à le seconder dans la production, alors que ce dernier s’était précédemment retrouvé aux manettes de Think Tank, opus conclusif du groupe de Colchester, et d’un Coxon sur le départ, fracassé par ses problèmes d’intempérance.

En tout état de cause, les sessions, placées sous le signe de la saturation à tout crin, et pour lesquelles le patron assume l’ensemble des pupitres – jusqu’à un saxophone rageur et rauque – s’avèrent les plus brillantes jamais enregistrées par Coxon, qui s’y montre tout aussi à l’aise dans l’ensemble des registres abordés, élaborant dans le délicieux esprit foutraque qui fait son charme, un pandémonium psyché-pop-krautrock tout à fait épatant. Si l’on a rarement entendu une guitare (et un chant, et une section rythmique) utilisée comme un pinceau, A + E alors constitue l’idéale occasion de goûter une drôle de peinture sonique d’un monde dévasté (le nôtre).

Et, partant, la profondeur des chansons mérite que l’on s’y noie dans une douce et terrible extase : « Advice » et « City Hall » offre une introduction très brutale et primale à l’ensemble, le second laissant résonner des guitares impériales. « What It’ll Take » fera assurément se lever d’enthousiasme les audiences des prochaines tournées, alors que « Meet, Drink, And Pollinate » nous rappelle cruellement à quel point The Rolling Stones furent grands (ceux qui évoquent Exile On Main St. n’ont peut-être pas tout à fait tort). Puis, Coxon muse et s’amuse autour de quelques archétypes (le biker-rock de « The Truth », Radiohead pour « Seven Naked Valleys »), puis le chanteur se laisse aller à une colère aussi désespérée que définitive avec « Running Your Life », vu par certains comme le contrepoint idéal du film Trainspotting, et « Bah Singer »). Et alors que le disque frôle l’épique grâce aux plus de six minutes de « Knife In The Cast », il tutoie la perfection avec une absolue monstruosité conclusive : apparemment dopé aux hormones mâles, « Ooh Yeh Yeh » (rien que le titre) éclate entre nos oreilles comme un feu d’artifice formidablement hors-sujet.

Élevant l’erreur ici revendiquée à la hauteur de la création esthétique, Graham Coxon parvient, par cet aveu induit de faiblesse, à sublimer ce qui n’est pas seulement son meilleur disque, mais bien – on confirme des deux mains - l’un des albums les plus caractéristiques et importants de 2012.

©Copyright Music Story 2015

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