McCoy Tyner
En anglais, l’expression the real McCoy désigne quelque chose ou quelqu’un de supérieur : c’est du sérieux, pas une imitation, ni un second couteau, non LE vrai truc ! The Real McCoy c’est aussi le titre du septième album de McCoy Tyner, son premier pour Blue Note paru en 1967. L’un des plus grands disques de celui qui s’est éteint le 6 mars 2020 à l’âge de 81 ans. Et McCoy Tyner, c’était du sérieux, pas une imitation, ni un second couteau, non LE vrai truc ! Né à Philadelphie en 1938, il fut avant tout étiqueté « pianiste de John Coltrane ». En réalité, Coltrane était aussi « saxophoniste de McCoy ». Derrière la boutade, Trane savait l’importance du pianiste, déclarant en 1961 que McCoy lui avait donné des ailes et permis de s’envoler en gérant les harmonies. En regardant l’ampleur de sa discographie (plus de 80 albums sous son nom !), son éclectisme parfois, on réalise l’héritage pianistique d’un styliste qui n’a cessé d’avancer à 2000 à l’heure. Un peu comme sur Passion Dance qui ouvre ce fameux Real McCoy, tsunami rythmique (cette main gauche !) porté par un sens renversant de la trame mélodique.
Gravée dans la cire chez Atlantic puis Impulse!, l’essentielle parenthèse coltranienne n’aura certes durée que de 1960 à 1965 mais fut plus que fondatrice. Même sur les chefs d’œuvre comme My Favorite Things ou A Love Supreme, le jeu de McCoy Tyner contrebalance chaque phrase du saxophoniste. Idem pour la rythmique composée d’Elvin Jones à la batterie et Jimmy Garrison à la contrebasse, elle aussi imbriquée dans ce torrent musical. Dans le livre A Love Supreme: The Story of John Coltrane’s Signature Album d’Ashley Kahn, McCoy Tyner racontera que « John avait donné peu d’instructions sur ce qu’il voulait. Tout était improvisé. Il s’agissait de chansons mais leurs structures étaient très limitées. Une simple mélodie, quelques accords basiques griffonnés, vous pouviez faire ce que vous vouliez avec juste cette simple forme à l’esprit. C’était ça A Love Supreme avant tout. » Deux ans plus tôt, en 1962, McCoy Tyner publiait Inception, son tout premier album solo chez Impulse! avec Elvin Jones et le contrebassiste Art Davis. Dès cette entrée au disque, la singularité pour ne pas dire la modernité de son jeu sont flagrantes. Sa plume aussi, lui qui signe quatre des six thèmes. Lorsqu’il ne tourne pas avec Coltrane, il profite de chaque instant pour développer sa carrière solo en enregistrant d’autres opus. Le cordon sera définitivement coupé avec le saxophoniste fin 1965 lorsque celui-ci s’ancrera encore plus profondément en territoire free. « Quand il a commencé à jouer avec deux batteurs, je n’arrivais même plus à m’entendre jouer », dira-t-il…
Durant ces années 60, l’originalité de son piano hypnotise évidemment d’autres confrères de chez Blue Note qui l’invitent sur leurs albums, comme notamment Joe Henderson sur Page One (1963), Wayne Shorter sur Juju (1964), Grant Green sur Matador (1964), Hank Mobley sur A Caddy for Daddy (1965) et Bobby Hutcherson sur Stick-Up! (1968). En 1966 et 1967, il part en tournée avec Art Blakey et signe chez Blue Note pour qui il enregistre durant cinq années. Même si la qualité de sa musique reste optimale, le succès n’est pas au rendez-vous. En 1972, McCoy Tyner change d’écurie et débarque chez Milestone, label pour lequel il enregistrera jusqu’au début des années 80. Tout y passe : petites formations, grandes formations, avec ou sans cordes, big band et solo ! Contrairement à la plupart de ses congénères comme Herbie Hancock ou Chick Corea durant ces années 70, McCoy Tyner refusera l’électricité et ne jouera que sur piano acoustique. Son ouverture d’esprit ne l’empêchera par contre pas d’inviter des instruments atypiques sur ses albums parmi lesquels le clavecin ou le koto. Il sera également très actif durant les années 80 et 90, jouant notamment en trio avec le contrebassiste Avery Sharpe et le batteur Aaron Scott mais aussi à la tête du McCoy Tyner Big Band ou du McCoy Tyner Latin All-Stars. S’il pouvait se faire tornade, son piano était aussi celui de la note juste. Jamais de trop. Comme il l’expliquera à sa consœur Marian McPartland lors d’une interview pour NPR, « ce que vous ne jouez pas est aussi important que ce que vous jouez ». © Marc Zisman/Qobuz
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