Violence Unimagined

Chronique

Il est amusant de constater à quel point on n'attend pas toujours les mêmes choses des artistes. Combien de formations ont été clouées au pilori pour s'être enfermées dans une formule bien établie ? Combien se sont vues reprocher de faire du surplace ? La liste est sans fin. À l'inverse, il existe une catégorie bien spécifique dont la tâche, paradoxalement, n'est pas plus aisée : celle des artistes dont on attend fébrilement chaque sortie parce que l'on sait déjà ce qu'on va y trouver. Le hard rock, le metal et tous ses dérivés n'y échappent pas. Qui voudrait d'un plan hip-hop ou d'une basse slappée dans son nouvel album d'AC/DC ? A-t-on un jour regretté que feu Motörhead n'embauche pas de claviériste ? Rien que l'idée fait sourire.

Cannibal Corpse fait assurément partie de cette niche. On ne s'amuserait pas à se demander entre potes : « Quel style, le nouveau Cannibal ? » : on le sait. Le style, c'est le nom du groupe. Cannibal fait du Cannibal, un point c'est tout. D'autres groupes, moins inspirés, font aussi du Cannibal, d'ailleurs. On leur reproche de ne pas savoir se renouveler. Vous saisissez le distinguo ? Violence Unimagined, quinzième album du gang de Tampa, voit tout de même un changement de taille s'afficher au générique : Pat O'Brien, guitariste depuis 1997 (aujourd'hui empêtré dans des soucis judiciaires), a laissé sa place à Erik Rutan (ex-Ripping Corpse, ex-Morbid Angel, mais surtout leader de Hate Eternal). Plus technique que son prédécesseur et surtout habitué à écrire seul sa propre musique, Rutan ne change pourtant en rien le son de Cannibal Corpse. Et pour cause : il était déjà le producteur des derniers albums du groupe, dont il connaît évidemment toutes les ficelles. Ainsi, il s'est même fendu de trois compositions sur mesure (Condemnation Contagion, Ritual Annihilation et Overtorture) qui sonnent comme du Cannibal pur jus – et du meilleur ! Difficile d'imaginer une recrue plus adaptée au quintette.

L'inamovible Rob Barrett (guitare, lui aussi), signe comme à son habitude certaines des salves les plus efficaces de l'album, comme le Murderous Rampage d'ouverture, le single Inhumane Harvest ou encore le terrible Bound and Burned. George « Corpsegrinder » Fisher est au mieux de sa forme vocale et le tandem rythmique Alex Webster (basse)/Paul Mazurkiewicz (batterie), probablement l'un des plus affûtés de la scène death metal, se montre comme sur chaque album particulièrement impressionnant. Plus que jamais, la mécanique semble bien huilée chez Cannibal Corpse qui souffle cette année sa 33e bougie. Les barbes grisonnent, les vertèbres ont pris cher, mais le rouleau compresseur écrase toujours tout sur son passage. Et tant qu'il sera ainsi, les moutons seront bien gardés. © Charlélie Arnaud/Qobuz