Tinn tout

Chronique

Si le maloya est sorti de la clandestinité au début des années 80 et a rayonné dans toute La Réunion, grâce à de grands chanteurs comme Firmin Viry ou Granmoun Lélé, Danyel Waro est celui qui lui a donné ses ailes. Avec lui, ce blues créole aux rythmes libérateurs a fait le tour de la planète et multiplié ses adeptes. Par sa poésie engagée et teintée de philosophie, par son chant habité et sa grande humanité, Waro a marqué à jamais le maloya. La sortie de chacun de ses disques est un événement et Tinn Tout ne fait pas exception à la règle. Tinn Tout, à la fois nom de l’album et du morceau qui en ouvre la porte signifie : on éteint tout, une supplique contre le rythme fou imposé par l’ultralibéralisme et sa nocivité environnementale. 

Sur la majorité des morceaux, le frémissement du kayamb et le grondement du rouleur, les percussions typiques du maloya donnent la cadence précieuse sur laquelle Waro lance ses incantations aux esprits et aux vivants, que reprennent en chœur ses musiciens : Mickaël Talpot (rouler), Bino Waro, le plus jeune de ses fils, (sati-piker), Gilles Lauret (triangle et basse) et son vieux complice Laurent Dalleau (congas). Sur quatre morceaux, la frénésie du maloya laisse la place à d’autres univers. La basse entêtante et presque jamaïcaine de Santyé de Loz calme le tempo. Daniel Singaïny nous plonge dans l’ambiance d’une cérémonie tamoule, culte syncrétique de l’hindouisme et du christianisme auquel le Daniel du titre a initié le Danyel chanteur. En chantant a capella Je me suis fait tout petit de Brassens, qui prend alors des allures de spiritual créole, Waro nous étonne et nous émeut. Sur la pulsation recueillie d’un arc musical bob, il nous bouleverse en rendant un hommage déchirant à Dédé, un ami disparu, musicien, chanteur et compagnon d’armes de la défense de leur langue. Oui ça vaut la peine de tout éteindre pour écouter ce grand sage. © Benjamin MiNiMuM/Qobuz