Synchro Anarchy

Chronique

En 2018, Voïvod a déchaîné une pluie de superlatifs avec The Wake, son album le plus progressif à ce jour. Le combo québécois, après trente-cinq ans d’existence, a même vu ce disque extraordinaire couronné par un Juno, équivalent canadien d'un Grammy Award. Composer un successeur digne de ce nom à une telle pierre angulaire n’est, on s’en doute, pas une mince affaire. Aller plus avant dans cette direction complexe eût été un risque. Le risque d’en faire trop, notamment. Heureusement, le quartet de Jonquière est bien trop intelligent pour se heurter à la première chausse-trappe venue.

Ainsi, la collection 2022 de Voïvod a le bon goût de se retourner sur le travail accompli et sur ces épisodes fondamentaux qui ont cimenté l’histoire du groupe : le précurseur Dimension Hatröss (1988), l’accompli Nothingface (1990), et l’électron libre Angel Rat (1991). Synchro Anarchy revient à la fois sur les sonorités grinçantes propres au groupe, mais c’est cette fois le chant de Snake qui fait une bonne partie de la différence. Plus aérien – comme sur le remarquable titre éponyme de l’album –, il semble survoler l’alchimie instrumentale qui lui sert de socle. Away (batterie) s’amuse à des contretemps parfois osés. Rocky (basse) a définitivement un son à décorner tous les bovins de la planète. Chewy, le magicien de la guitare auquel le groupe doit sa renaissance (après le décès de son compositeur principal Piggy en 2005), est une fois encore impérial. Implacable en rythmique, il dispense également des solos totalement improbables, qui semblent s’envoler sur un filet de gaz vers ces astres auxquels le groupe fait tant référence dans ses textes.

De prime abord, Synchro Anarchy peut paraître plus simple que son prédécesseur. C’est un leurre. Écrit avec soin et finalement truffé d’idées toujours aussi novatrices, il révèle tous ses secrets au fil des écoutes et trouve idéalement sa place dans la discographie de ce combo hors norme. Il est toujours délicat dans une chronique d’user du dithyrambe à outrance ou d’établir des comparaisons qui n’ont pas lieu d’être. Mais il n’est pas interdit de penser qu’aujourd’hui, Voïvod est très probablement un des représentants les plus passionnants, intelligents et uniques (là-dessus, pas d’erreur possible) de la sphère metal. © Charlélie Arnaud/Qobuz