Sundowner

Chronique

Sundowner – sans équivalent en français – définit une personne en proie à une montée de mélancolie quand vient le crépuscule. A l’ère de l’isolement mondial pour cause de pandémie, Kevin Morby chante sa mélancolie croissante sous soleil déclinant en 10 pistes plutôt compactes. Ce sixième album en solitaire du Texan succède d’à peine un an à Oh My God (2019), opus christique à la beauté singulière qui en avait laissé plus d’un sur le carreau, à force d’élans au saxo et de relents gospel. Au fil de ses albums, l’ex-bassiste des Woods avait séduit par la puissance de sa peinture paradoxale, grandiose mais dépouillée, des grands espaces américains avec un savant mélange d’americana, rock et folk. Simple et sans prétention, c’est ainsi qu’on le retrouve. Et c’est à la naissance de l’opus que l’on doit ce retour. Hiver 2017, alors qu’il retourne vivre à Kansas City dans le Missouri et s’attèle à finir Oh My God, Morby fait l’acquisition d’un Portastudio 424 de Tascam de seconde main, un des premiers enregistreurs quatre pistes, véritable ministudio. Dans son hangar, armé de ses écouteurs et voûté sur son Tascam, le songwriter et ses multiples couches de pull-overs – pas de chauffage – compose et enregistre frénétiquement ce qui deviendra Sundowner.

Deux ans plus tard, son ami producteur Brad Cook arrive à la rescousse, direction le Sonic Ranch, gigantesque studio d’enregistrement perdu dans des hectares de pacaniers, loin des côtes mais près de la frontière mexicaine, pour reproduire la magie qui s’est opérée deux ans auparavant. En guise d’inspiration, le paysage vide, simplement éclairé par les heures, traversé par des chats errants. Morby place les basses, la guitare, la batterie, le mellotron et même un orgue de la Seconde Guerre mondiale désaccordé. Puis le batteur de Big Thief, James Krivchenia, ajoute quelques éclats de percussions et maracas. Dès l’ouverture, entre Valley et I Have Been to the Mountains, single phare de Singing Saw (2016) qui l’avait fait connaître outre-Atlantique, la résonance s’entend. Cette beauté en clair-obscur, oubliée, fantomatique et fugace, de l’immensité d’un espace qui isole et fascine, transpire à nouveau de ses mélodies qui s’étirent sans fioritures. L’épure atteint son paroxysme sur A Night at the Little Los Angeles. Rien est à jeter et ça fait du bien de retrouver Morby si inspiré. © Charlotte Saintoin/Qobuz